En 2024/2025, le paiement prélevé directement sur la facture mobile de l’opérateur est sorti de la marginalité pour gagner les plaines de l’économie numérique. Les chiffres publiés par l’af2m sont sans appel : 790 millions d’euros réglés, 271 millions d’achats réalisés et 12,2 millions d’utilisateurs annuels, dont près de 4,7 millions actifs chaque mois. La croissance affiche + 21 % sur un an – deux fois le tempo du e‑commerce classique.
Il s’agit d’un tournant important : le mobile billing n’est plus un service d’appoint ; c’est une brique majeure de création de valeur pour les opérateurs et, surtout, pour Free.
Les coulisses d’un succès fulgurant
L’authentification par numéro MSISDN abolit la saisie de données bancaires ; en trois tapotements, l’achat est finalisé. Cet avantage de fluidité explique, à nos yeux, l’explosion des micro‑achats sur les stores et plateformes de streaming.
Par ailleurs, certains écosystèmes premium ont déjà onboardé le principe. Google Play, App Store, PlayStation, Netflix ou Deezer ont activé l’option « payer via l’opérateur ». Résultat : +24 %, 415,6 M€ de chiffre d’affaires pour ce seul segment, preuve que la monétisation premium passe désormais par la facture télécom.
Enfin, les commissions prélevées restent contenues ; éditeurs et ayants‑droit n’abandonnent qu’une quote‑part modeste de leur revenu, contrairement à la logique imposée par certains wallets propriétaires. C’est potentiellement la raison pour laquelle le canal s’impose comme alternative sérieuse aux mastodontes du paiement.
Les grains de sable dans l’engrenage
Si le paiement via facture mobile établie par l’opérateur progresse globalement, certains segments montrent néanmoins des signes d’essoufflement. Premier signal d’alerte : la baisse marquée des dons solidaires par SMS. Après le pic émotionnel observé lors de la guerre en Ukraine, la mobilisation s’effrite : en 2024, les montants collectés chutent de 40 %, retombant à seulement 1,9 million d’euros. Ce repli questionne la pérennité de ce canal dans les usages du quotidien : la générosité impulsive peine à se transformer en habitude hors situations d’urgence.
Autre point de vigilance : la dépendance persistante au SMS comme canal technique. Alors que les alternatives comme le RCS ou les portefeuilles numériques gagnent du terrain, le SMS reste central dans l’écosystème du paiement opérateur. Problème : ce canal, mature et omniprésent, souffre d’une certaine “fatigue d’usage”. Sans interopérabilité renforcée ni refonte de l’interface utilisateur, le risque est grand de voir les utilisateurs décrocher ou ignorer les sollicitations.
Pour clore le tout, le segment Internet+ semble avoir atteint un palier. Avec une croissance de seulement 1,5 % en 2024, les achats sur sites web facturés par l’opérateur n’offrent plus la dynamique d’autrefois. Cette stagnation appelle une réponse rapide : il devient indispensable de diversifier les cas d’usage, en misant sur des micro-abonnements SaaS, des jeux vidéo PC ou encore de la VOD à l’acte. Sans cela, le canal web pourrait devenir l’angle mort de la stratégie opérateur.
Gouvernance : l’af2m aiguise les couteaux
La fédération planche sur un label RGPD et une grille tarifaire unifiée pour fin 2025. Il s’agit peut être d’une opportunité de normaliser l’expérience cross‑opérateurs : même niveau de plafond, même processus de remboursement, indicateurs anti‑fraude harmonisés. Un impératif si le mobile billing veut s’inviter dans les achats supérieurs à 30 €.
2025 : trois relais de croissance pour prolonger la dynamique
Alors que le paiement sur facture opérateur atteint une certaine maturité sur les segments traditionnels, de nouveaux usages émergent pour en prolonger la dynamique. Trois relais de croissance se dessinent nettement à l’horizon 2025.
D’abord, la billettique sans contact s’impose comme un levier stratégique. De plus en plus de réseaux de transports interurbains et d’organisateurs d’événements sportifs adoptent le modèle « tap & go » facturé directement sur la facture mobile. Cette approche libère l’utilisateur de la contrainte de la carte bancaire NFC et renforce l’ancrage du mobile comme support universel de transaction.
Ensuite, l’industrie du jeu vidéo AAA constitue un territoire à fort potentiel. L’achat d’un titre en version digitale dès sa sortie, souvent facturé entre 60 et 80 €, deviendra techniquement viable dès que les plafonds de facturation seront relevés et que la 5G Standalone (SA) sera pleinement opérationnelle. La facture opérateur pourrait alors devenir un canal d’achat stratégique, notamment chez les jeunes publics.
Enfin, les micro-abonnements médias devraient s’imposer comme un standard de monétisation dans l’univers de l’information et du divertissement. Qu’il s’agisse de payer à l’article, de s’abonner à une newsletter premium ou d’accéder à un podcast exclusif, le modèle 1 à 3 € par mois se prête parfaitement à la logique de la facture dressée par l’opérateur.
Une démocratisation de la pratique
Le paiement sur facture de l’opérateur a donc grandement changé de statut. Il n’est plus un canal secondaire : c’est un vecteur de confiance entre les abonnés, les éditeurs et les opérateurs. Son avenir passera cependant par trois chantiers prioritaires :
- transformer l’essai sur les usages solidaires en modèles durables,
- homogénéiser l’expérience sur mobile, web et RCS pour éviter la fragmentation,
- et relever les plafonds sans compromettre la transparence client.
C’est à ces conditions que les opérateurs, comme Free par exemple pourront transformer leur avance technologique en avantage concurrentiel durable, et que la facturation opérateur pourra prétendre au rang de nouveau standard de paiement grand public.
Source The Media Leader