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X. Niel : d’ici 15 à 20 ans, le concept de « Box » aura disparu !

Freebox R.I.P

Xavier Niel, fondateur de Free, a consacré une interview à l’Arcep, publiée dans les colonnes du second numéro des Cahiers de l’Arcep. Il s’y exprime sur le rôle des opérateurs de télécommunications en France, sur les nouveaux usages dématérialisés, sur l’avenir des terminaux multimédia…

Selon lui, l’avenir est aux nouveaux acteurs fabriquant des boîtiers, tels Google et sa Google TV, ou encore Apple et sa prochaine version d’Apple TV. A tel point que, toujours selon ses dires, « d’ici 15 à 20
ans, ces équipements auront fait
disparaître le concept de box du
marché français »
 !

Etayant son propos, il précise que « l’idéal, c’est d’avoir des
applications qui marchent partout »
… tout en reconnaissant que « le problème de la numérisation de
l’usage, c’est qu’elle crée des
marques mondiales fortes »
, citant une nouvelle fois Google et Apple.

Dans tout cela, sur le fixe comme sur le mobile, les opérateurs demeurent toutefois « incontournables » : ils « deviennent des vendeurs de
tuyaux
, ce qui n’est pas très
attirant, mais, après tout, c’est leur
métier »

Tous ces propos surprennent quelque peu de la part de l’homme à l’origine du concept même de « box » à la française. Doit-on y voir quelques indices sur la stratégie de Free et des Freebox à l’avenir ? Difficile à dire…


Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’interview publiée par l’Arcep :


Quelles sont les tendances
de fond qui vont marquer
les prochaines années ?

Sur le fixe, c’est assez simple : on
raisonne dans une croissance sans
fin des débits. Du coup, on voit
arriver de nouveaux acteurs qui
fabriquent des boitiers : le nouveau
décodeur d’Apple, qui sort en fin
d’année, la GoogleTV d’Android
qui arrive prochainement, et les
téléviseurs connectés. D’ici 15 à 20
ans, ces équipements auront fait
disparaître le concept de box du
marché français et il est
vraisemblable que la télévision
devienne un bien de
consommation quasi « jetable ».
Parallèlement, il est tout aussi
évident qu’on continuera à
s’abonner à un opérateur pour
accéder aux services et contenus
fournis par ces boîtiers.

Et sur le mobile ?

C’est plus compliqué que sur le fixe
car on a une capacité finie – le
spectre – qui ne dépend pas des
acteurs et qui ne correspond pas
non plus à l’usage que souhaitent
en faire les consommateurs.
Actuellement, il n’y a pas encore
de bonnes raisons de voir les trafics
mobiles exploser, mais ça viendra
avec des applications encore
inconnues aujourd’hui. Cela dit,
l’usage data en mobilité ne sera
jamais aussi fort qu’en fixe – les
terminaux ont des écrans plus
petits qui ne nécessitent pas la
même résolution. Mais l’absence
de solution pour broadcaster les
flux vidéo, qui condamne les
opérateurs à l’envoi d’un flux
partagé par la totalité des
consommateurs, reste un problème
majeur.

Quels seront les
nouveaux usages dans
le mobile ?

L’idéal, c’est d’avoir des
applications qui marchent partout
et le meilleur endroit pour ça, c’est
internet qui rend le produit
accessible de partout, sur tout
réseau et sur tout support. Les
modèles propriétaires d’aujourd’hui
auront besoin de converger et la
convergence naturelle, c’est le
web ! Ce besoin de convergence
de format est l’intérêt de tous, pour
éviter des problèmes de position
dominante et des condamnations.
Le problème de la numérisation de
l’usage, c’est qu’elle crée des
marques mondiales fortes. Je crois
que nous n’éviterons pas la
domination de trois ou quatre
produits uniques mondialement
très forts. Nous n’avons pas de
moteurs de recherche nationaux
forts comme Google, ni de eBay
national fort non plus, et quand ils
existent, ces services sont revendus
très cher aux premiers qui
deviennent des acteurs mondiaux
colossaux très riches. Mais c’est le
devenir économique ! Il y a dix ans,
le monde était fini et Microsoft
dominait tout le monde.
Aujourd’hui, Apple et Google se
portent plutôt bien, et d’autres,
comme Linux, progressent
doucement, mais sûrement…
L’acteur dominant d’un jour n’est
plus le même le lendemain.
Mondialisation et dématérialisation
ont revisité l’économie. Les
positions dominantes qui existaient
pays par pays deviennent
mondiales !

Comment le marché
mobile évolue-t-il ?

On tend vers une forfaitisation et
une simplification des offres. On le
disait déjà il y a quelques années et
on paraissait ridicules. Il faudra
toutefois résoudre un problème :
sur le marché français, on a offert la
data – chère à produire – et on a
vendu cher la voix – gratuite à
produire -, ce qui est
catastrophique. Un beau matin, les
opérateurs mobiles devront revenir
en arrière. C’est d’ailleurs ce qu’ils
font un peu partout dans le monde
en créant une référence de marché
avec des forfaits, globalement
illimités, entre 100$ et 100€. Mais
dépenser l’équivalent d’un mois de
SMIC chaque année pour de la data
et du téléphone illimité, ça reste un
prix pas très grand public !
Dans tout ça, qu’est-ce qui est
bénéfique pour le consommateur ?
Prenez un produit comme l’iPhone :
il est révolutionnaire en lui-même,
mais il ne l’est pas par son prix, ni
par son mode de distribution.
L’iPhone ne touchera que 5 à 10%
de la population mondiale, car ce
n’est pas un produit grand public.
Or, un opérateur a besoin de
toucher toutes les couches de la
population. Il a plusieurs moyens de
le faire : soit en segmentant les
offres pour extraire le maximum
d’argent aux consommateurs, soit
en estimant que, globalement, il y a
un prix « juste », un prix de marché
dans lequel il inclut tout, et il rend
cette offre unique disponible pour
tout le monde. Le plus important,
finalement, c’est d’être capable
d’amener le progrès à tout un
chacun, et de partager cette valeur
en trois, entre ceux qui la créent –
les salariés de l’entreprise –, les
consommateurs et l’investissement.

Voyez-vous des ruptures
dans les modèles
économiques ?

Globalement, sur le mobile, on
constate un basculement vers les
vendeurs de terminaux. Aucun
opérateur n’est capable d’inventer
un équipement aussi attractif pour
le grand public qu’un terminal
Apple ou Androïd. Ils n’ont ni
l’expérience, ni la masse critique, ni
le marché.
Sur le fixe comme sur le mobile,
la révolution viendra de ceux qui
seront capables d’inventer des
terminaux disruptifs comme
l’iPhone, et de les vendre
directement sans passer par
l’opérateur, tout en se faisant
rémunérer pour reprendre une
petite marge sur la vente de
l’abonnement. Les opérateurs
deviennent des vendeurs de
tuyaux, ce qui n’est pas très
attirant, mais, après tout, c’est leur
métier. Ils resteront protégés des
incursions dans leur business par les
investissements capitalistiques, très
lourds, qu’ils doivent faire. Les
opérateurs ont une autre vraie
chance : ils sont présents dans tous
les foyers. Bref, ils resteront
incontournables.

Source : les Cahiers de l’Arcep #2 (PDF)

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