Le cauchemar de Darwin
Jean-Bernard Lévy, président du directoire de Vivendi, avait été l’un des principaux défenseurs de la mise en place d’un trafic Internet régulé et différencié, devant la Commission européenne la semaine dernière. Loin d’en démordre, il défend sa vision dans une interview consacrée au Monde…
Vivendi, propriétaire à 100% de SFR (depuis le rachat des parts de Vodafone) défend donc une thèse alarmiste : selon Jean-Bernard Lévy, l’« Internet de base ne suffit plus », et le risque de « grande panne sur les réseaux », liée à l’importance du trafic, est bien réel.
Le patron défend la vision d’un « Internet “à la carte” », où les prestataires de contenus devront payer pour bénéficier d’une « garantie d’acheminement » sur le réseau. Et pour ceux qui refusent de payer ? « Nous ne pourrons pas acheminer convenablement les contenus les plus riches et les plus gourmands en bande passante », prévient-il.
Lisez un extrait de l’interview publiée ce jour dans Le Monde :
Quels sont les points les plus importants et les plus originaux de ces onze propositions ?
Nous partons de deux principes de base : l’accès à Internet doit rester universel, le respect de la vie privée est un droit inaliénable. Une fois posés ces principes, nous pensons que, pour optimiser l’Internet, le trafic doit être géré de façon différenciée. Les éditeurs de contenus qui le souhaiteront pourront de façon contractuelle négocier de gré à gré avec les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d’accès à Internet des services à valeur ajoutée permettant de leur garantir un acheminement du trafic et des temps de latence extrêmement courts même lorsque le réseau est chargé. Ce qui n’est généralement pas le cas aujourd’hui.
Le risque d’une grande panne sur les réseaux existe-t-il vraiment ?
Bien sûr. Le trafic mondial double tous les dix-huit mois et chacun sait qu’à certaines heures le trafic passe moins bien.
L’Internet de base ne suffit donc plus ?
C’est un fait et c’est la raison pour laquelle nous plaidons pour mettre en place un système biface. Aujourd’hui, nous sommes dans un marché monoface où seul le consommateur paye le fournisseur d’accès à Internet.
Qu’est-ce qui vous empêche de passer des accords ?
Rien, mais l’ensemble des règles en matière de régulation de marché n’est pas organisé autour d’un tel principe.
Mais Google par exemple pourra refuser de payer pour avoir une garantie de service ?
Bien sûr. Dès lors que c’est un Internet « à la carte », il peut refuser de bénéficier d’une garantie d’acheminement et donc de payer. D’autres ne s’opposent pas à l’idée de payer.
(…) N’est-ce pas une remise en cause de la neutralité du Net qui fait débat actuellement ?
Si on entend sous ce vocable, que lorsqu’un contenu est disponible sur la Toile, chacun doit y avoir accès, nous maintenons cet acquis. Nous ne proposons pas de mettre la moindre barrière à cet apport formidable à la démocratie.
Mais en demandant aux éditeurs de payer pour pouvoir acheminer leurs contenus, ne va-t-on pas vers un Internet « à deux vitesses » ?
Pas du tout. Nous disons juste que s’il ne se passe rien, nous ne pourrons pas acheminer convenablement les contenus les plus riches et les plus gourmands en bande passante.
Source : Le Monde