La « quasi-neutralité » en action
Vivendi, Alcatel et Deutsche Telekom, trois des plus importants acteurs de télécommunications en Europe, ont défendu auprès de la Commission européenne l’idée d’un Internet à plusieurs vitesses, totalement contraire à la notion de neutralité du net…
Réunis mercredi dernier lors d’une table ronde traitant de l’agenda numérique européen, Jean-Bernard Lévy, président du directoire de Vivendi (SFR), Ben Verwaayen, DG d’Alcatel-Lucent, et René Obermann, DG de Deutsche Telekom, ont encouragé la Commission à mettre en avant « la différenciation en matière de gestion du trafic ».
Au sein d’une liste dotée de onze propositions, les trois dirigeants réclament la possibilité de pratiquer des tarifs différenciés, leur permettant notamment de facturer divers forfaits Internet avec des niveaux de débit, de qualité et/ou d’accès aux services variables. Par exemple, libre au consommateur de payer plus cher pour bénéficier d’un accès non-bridé, ou encore « d’une moindre latence, ce qui est capital dans le jeu vidéo » (dixit Jean-Bernard Lévy, Vivendi).
Mieux encore, selon le document présenté par les trois sociétés à la Commission, « les modèles économiques peuvent être bifaces, basés sur des accords commerciaux qui respectent les principes d’ouverture et de non-discrimination anticoncurrentielle ». En clair, rien n’empêcherait alors un opérateur de conclure des partenariats spécifiques avec un prestataire de contenus, voire de proposer directement un forfait ou une “option Youtube” (par exemple) au sein de sa gamme d’offres…
En plaidant ainsi pour un accès Internet à plusieurs vitesses et à la carte, les trois représentants de Vivendi, Alcatel et Deutsche Telekom sont à mille lieues de toute notion de neutralité du net — c’est-à-dire un accès libre et non-différencié à l’ensemble des ressources du réseau.
Sans cet assouplissement de la réglementation, les opérateurs menacent de ne pas pouvoir tenir les impératifs de déploiement fixés par la Commission (100% des foyers éligibles à une offre 30 Mbps à l’horizon 2020) !
Neelie Kroes, commissaire européenne chargée de la société numérique, a indiqué que la Commission « prendra en compte les points de vue exprimés », tout en faisant part de son scepticisme. Elle a notamment fait part de son désaccord avec Jean-Bernard Lévy (Vivendi), qui mettait en avant l’unanimité des acteurs (« opérateurs, fabricants, agrégateurs, éditeurs de chaînes ») autour de ses propositions : « cette catharsis parfois douloureuse n’a pas débouché sur un consensus sur les principes présentés par les coordinateurs », a-t-elle objecté.
Source : La Tribune