Donner ses données, reprendre c’est voler
Le Sénat a voté, mardi soir, le projet de loi visant à instaurer un “droit à l’oubli” sur Internet. Proposé par Yves Détraigne (Alliance centriste) et Anne-Marie Escoffier (Parti radical de gauche) (en photo), ce texte sur le “droit à la vie privée à l’heure du numérique” prévoit notamment de renforcer les pouvoirs de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés).
A l’heure des réseaux sociaux et de l’étalage volontaire de la vie privée de chacun en public, il est parfois difficile de conserver le contrôle de son image en effaçant des traces du passé jugées gênantes. Le texte devrait y remédier, en imposant aux sites Internet d’effacer toutes les données personnelles d’un utilisateur, sur simple demande. En outre, les utilisateurs devront être mieux avertis de l’usage qui sera fait de leurs données (notamment à des fins publicitaires), et ce, dès l’inscription.
Afin de permettre une meilleure application de ces règles, la CNIL devrait également disposer de sanctions renforcées à l’encontre des sites récalcitrants. Le président de la CNIL, Alex Türk, s’estime d’ailleurs satisfait des dispositions instaurées dans ce texte : « certaines de nos demandes ont été satisfaites, comme sur les correspondants Informatique et libertés, désormais obligatoires dans les entreprises où plus de 100 salariés ont accès au système informatique, ou sur la reconnaissance de l’adresse IP comme donnée personnelle ».
Néanmoins, là où la CNIL militait pour un système d’opt-in, permettant à l’internaute d’autoriser lui-même en toute connaissance de cause l’usage de ses données personnelles à telles ou telles fins lors de l’inscription à un site, le projet de loi y préfère un système d’opposition a posteriori de la part de l’internaute. Yves Détraigne parle d’équilibre « difficile à trouver » entre la régulation et la volonté de ne pas freiner le développement de l’innovation sur Internet.
Un volet éducatif est enfin prévu, avec la possibilité de proposer à l’école quelques heures de sensibilisation aux dangers encourus lors de la divulgation de trop de données personnelles sur les réseaux sociaux.
Gageons toutefois que le passage du texte devant l’Assemblée nationale ne sera pas de tout repos. Le Gouvernement s’est en effet opposé à son vote au Sénat, allant jusqu’à déposer plusieurs amendements (en vain). Le syndicat CFE-CGC/UNSA, qui estime le texte insuffisant de son côté, a demandé la création d’une mission parlementaire à son sujet. Le vote définitif n’est sans doute pas pour tout de suite…
Source : Les Echos