Vous souvenez-vous de l’amendement « 138 » ? Ce petit bout de texte de rien du tout, proposé au Parlement européen pour faire partie du paquet Télécom, a fait couler beaucoup d’encre, notamment car il s’opposerait fondamentalement au principe même de la loi Hadopi française…
L’amendement surnommé anti-Hadopi rend théoriquement impossible toute coupure du net (l’un des points les plus importants du dispositif anti-piratage prévu par la France), selon le principe qu’ « aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire ». Pour cette raison, après avoir été adopté, il a connu un historique parlementaire particulièrement tumultueux depuis plus d’un an, entre modifications, retraits, déclarations houleuses…
Dernièrement, la Quadrature du Net a tiré la sonnette d’alarme, constatant que l’amendement était remis en cause de manière assez violente au parlement. Pris dans des négociations complexes, le texte court le risque d’être vidé de sa substance par l’ajout d’exceptions rendant possible une coupure sous certains prétextes, « à la française ».
Le site dénonce également certaines irrégularités dans le traitement de l’amendement.
« Mercredi matin, un mandat explicite a été donné à l’équipe de négociation du Parlement européen. Une analyse juridique douteuse a été produite par les services administratifs du Parlement quelques heures plus tôt afin de justifier l’abandon de l’amendement 138 original. Les eurodéputés étaient cependant informés de l’importance des principes proclamés par l’amendement 138, notamment grâce à une impressionnante mobilisation de citoyens européens. Plusieurs eurodéputés se sont ainsi fortement opposés cette analyse lors de la réunion, et la délégation a explicitement ordonné aux négociateurs de ne pas en tenir compte lors de la réunion de « trilogue ». Précédemment, la délégation avait décidé que la négociation se devait de prendre en compte les 3 textes : l’amendement 138, le compromis de seconde lecture du Conseil, et la nouvelle proposition.
Néanmoins, quelques heures plus tard durant la réunion de « trilogue » avec les représentants du Conseil et de la Commission, les négociateurs ont violé leur mandat en acceptant que le faux « compromis » présenté la semaine dernière soit la base des prochaines négociations. Ce faisant, ils ont abandonné l’idée que l’accès à Internet ne puisse être restreint que par une « décision préalable de l’autorités judiciaire », ignorant ainsi le principe essentiel d’une disposition adoptée à deux reprises par 88% du Parlement européen. »
Les négociateurs Catherine Trautmann (en illustration ci-dessus) et Alejo Vidal-Quadras pourraient ainsi repartir d’une nouvelle base pour adapter l’amendement 138 ou l’épurer de certains points qui gênent aussi bien la France que les pays désireux de suivre le même modèle. La Quadrature dénonce de son côté un « profond manque de transparence et de crédibilité démocratique des institutions européennnes »…
Source : Numerama