Interférences entre l’opérateur et le ministre
Bouygues Telecom a saisi vendredi le Conseil d’État contre les futures licences de téléphonie mobile 4G, actuellement ouvertes aux candidatures. L’opérateur met en cause les risques d’interférence existant entre la technologie 4G et la télévision numérique terrestre, pouvant provoquer un « écran noir » dans certains foyers…
Depuis la mise en évidence de ces risques de brouillage, dès le mois de mars, par une expérimentation en Mayenne, le gouvernement n’a jamais souhaité y apporter de solution concrète. Ne voulant pas retarder la procédure d’attribution des licences, il a préféré garder le silence. Ainsi, les opérateurs demeurent dans le flou — même si jusqu’à 20% des foyers français pourraient être touchés par le syndrome de l’écran noir ou par une dégradation de l’image TV reçue.
En mai, Éric Besson, ministre chargé de l’Industrie et de l’Économie numérique, indiquait avoir réduit le prix des blocs de licences dont les gammes de fréquences sont connues pour être potentiellement problématiques.
Plus récemment, le gouvernement a décidé d’ajouter un article dans son projet d’ordonnance de transposition du “paquet télécoms”. Celui-ci oblige les opérateurs à prendre eux-mêmes toutes les mesures nécessaires pour prévenir et/ou traiter d’éventuelles interférences, et donc à prendre en charge tous les éventuels coûts engendrés par un potentiel brouillage. Dans le cas des interférences TNT, cela pourrait se traduire par la pose de nouveaux filtres à fréquences sur les antennes TV collectives à travers la France.
C’en est trop pour Bouygues Telecom : estimant que le surcoût d’une telle opération pourrait s’élever entre 500 millions et 1,7 milliard d’euros, l’opérateur se tourne désormais vers le Conseil d’État. Dans son courrier, il dénonce une pratique gouvernementale qu’il juge illégale et souligne les conditions trop hasardeuses pour les opérateurs. « Il en résulte un niveau d’incertitude et d’indétermination qui ne permet pas aux opérateurs de faire acte de candidature à l’attribution des fréquences dans des conditions raisonnables de sécurité juridique », résume Bouygues.
L’opérateur réclame, au minimum, une clarification de la situation. Il estime que l’État doit prendre sa part de responsabilité, et indiquer de manière plus précise ce qui relève de la responsabilité de chacun : qui prendrait en charge le coût des filtres ? Qui les installera ? Qui se chargera de mettre en place les éventuels moyens de communication et d’information destinés au public ? etc.
Éric Besson a aussitôt réagi à la procédure entamée par Bouygues en estimant que « les brouillages concernent une partie infime des cas ». Tout en estimant que les surcoûts estimés par Bouygues sont « largement surévalués », le ministre invite l’opérateur à ne pas postuler pour les blocs de licences à risques : « les risques de brouillages concernent essentiellement un lot de fréquences 4G sur les quatre lots possibles. Bouygues pourra se porter candidat sur tous les autres lots s’il estime que les risques sont trop importants ». N’est-ce pas ce qui s’appelle botter en touche ?
Source : Le Figaro