Coup de tonnerre dans l’écosystème numérique : l’Autorité française de la concurrence inflige à Apple une amende de 150 millions d’euros pour abus de position dominante. En cause : la manière dont la firme à la pomme a déployé son outil de protection de la vie privée ATT (App Tracking Transparency), intégré aux iPhone et iPad. C’est la première fois qu’un régulateur antitrust dans le monde sanctionne spécifiquement cet outil de contrôle des données.
L’ATT d’Apple, un outil protecteur… mais déséquilibré
Introduit comme une avancée en matière de respect de la vie privée, ATT permet aux utilisateurs d’iOS de refuser le suivi publicitaire entre applications. Mais l’Autorité française estime qu’Apple a appliqué un double standard : en bloquant les outils tiers tout en continuant à promouvoir ses propres services publicitaires sans le même niveau de contrainte. Résultat : les petits éditeurs et les régies sont pénalisés, les coûts publicitaires explosent, et Apple renforce sa propre position au détriment d’un marché libre.
Une sanction isolée mais symboliquement forte
Cette amende française s’inscrit dans un contexte global de tensions croissantes entre les autorités européennes et les géants du numérique. Elle intervient un an après que l’Union européenne a sanctionné Apple à hauteur de 1,8 milliard d’euros pour favoritisme sur les services de streaming dans l’App Store. Benoît Cœuré, président de l’Autorité française de la concurrence, assume cette décision comme strictement apolitique, en dépit des critiques potentielles de Washington.
Un précédent pour l’Europe et un signal au marché
L’affaire, qui couvre la période 2021-2023, pourrait faire jurisprudence. D’autres régulateurs européens, en Allemagne, en Italie ou en Pologne, examinent également l’impact anticoncurrentiel de l’ATT. Pour les associations françaises du numérique — Alliance Digitale, SRI, Udecam, GESTE — cette décision est un tournant majeur.
Elle reconnaît enfin que la protection des données ne doit pas devenir un levier anticoncurrentiel. Apple, de son côté, n’a pas encore indiqué s’il ferait appel, mais devra désormais adapter son fonctionnement à l’échelle européenne sous peine de sanctions répétées.
Cette décision pourrait modifier durablement l’équilibre entre respect de la vie privée et libre concurrence dans l’économie numérique. Alors que la France montre la voie en sanctionnant les pratiques jugées déloyales, c’est tout le marché publicitaire mobile qui pourrait être redéfini dans les mois à venir. Apple, en champion de la confidentialité, se retrouve désormais au centre d’un débat qui dépasse largement l’iPhone.