L’opérateur historique a fait les frais d’une décision interne, visant à ne pas respecter une licence libre détenue par la société Entr’ouvert.
Pour rappel, Entr’ouvert est éditeur de Lasso https://lasso.entrouvert.org/ , la bibliothèque de référence mondiale supportant le protocole SAML (plus d’autres choses).
Cette bibliothèque est proposée aujourd’hui sous deux licences :
- GNU/GPL pour ceux qui veulent l’utiliser dans un tout qui sera diffusé selon les termes d’une licence libre compatible,
- sur sollicitation, selon les termes d’une licence commerciale pour les autres.
En 2005, Orange a remporté un marché, avec l’Agence pour le Développement de l’Administration Électronique (ADAE, devenue DGME) dont l’objectif était le développement du portail « Mon service Public » et le déploiement comme la fédération d’identité, ce qui est aujourd’hui repris par FranceConnect.
Or, à cette époque, « seul le protocole SAML permettait de répondre à ce fonctionnement » indique la société sur son site internet.
Or, non seulement Orange a utilisé LASSO sans en informer la société Entr’ouvert, mais de surcroît les termes de la licence GNU/GPL n’ont pas été respectés, ce qu’a constaté cette dernière.
Le litige commence véritablement au niveau judiciaire en 2011, dont il y a près de treize ans ce qui n’est pas rien et donne une idée de son ampleur, avec des accusations de contrefaçon de droit d’auteur et plus précisément le viol d’une licence GNU GPL, lancées par la société Entr’ouvert, concernant l’utilisation de cette bibliothèque sous licence libre.
Des premières décisions en faveur d’Orange
En cours d’instance, au mois de juin 2019, après déjà plusieurs années de combat judiciaire, le Tribunal de Grande Instance de Paris statuait sur la responsabilité contractuelle d’Orange ; jugement confirmé par la Cour d’Appel de la même Ville dans le courant du printemps 2021, déboutant Entr’ouvert de ses demandes en des termes laminaires :
« Ce contrat (GNU/GPL) est un contrat d’adhésion […] mais qui comporte […] une autorisation d’usage du logiciel par la mise à disposition de celui-ci quand bien même celle-ci est gratuite et que toute garantie de sa part est exclue, tandis que les sociétés utilisatrices, se doivent de respecter les modalités d’usage telles que fixées par la licence. […] La société ENTR’OUVERT reproche à son adversaire de ne pas avoir respecté les termes de la licence et les droits et obligations créés par celle-ci […] dommage généré par l’inexécution par les sociétés défenderesses d’obligations résultant de la licence et non pas la violation d’une obligation extérieure au contrat de licence […] La relation entre la société ENTR’OUVERT et les sociétés ORANGE pour l’utilisation de la licence est donc de nature contractuelle. […] En application du principe de non-cumul de responsabilité, seul le fondement de la responsabilité contractuelle est susceptible d’être invoqué par la demanderesse, qui doit donc être déclarée irrecevable en son action en contrefaçon et en ses prétentions accessoires […] Les prétentions accessoires à la contrefaçon telles que le droit d’information, l’interdiction d’usage, la publication du jugement ne peuvent prospérer. »
De son côté, la Cour de Justice de l’Union européenne, retournant la situation, a requalifié une partie des faits en violation de licence ; précisant que cette infraction revêtait le caractère de contrefaçon. Analyse suivie par la suite par la Cour de Cassation à la fin de l’année 2022 au terme de péripéties judiciaires qui se sont déroulées sur de très nombreuses années et d’une expertise qui a duré près de 3 ans.
Des condamnations tout de même bien loin des demandes
Si au départ, le montant des dommages et intérêts était chiffré à 4 millions d’euros, quelques années plus tard, au terme de la procédure, c’est une somme de 860 000 euros qui a été arrêtée et mise à la charge d’Orange.
Les demandes de la société Entr’ouvert visaient essentiellement à couvrir le préjudice économique lié à cette exploitation contre nature de la part de l’opérateur historique ainsi que de sa filiale business à hauteur de 500 000 euros, outre 150 000 au titre du préjudice moral et 60 000, de celui de l’article 700 du Code de Procédure civile.