C’est du moins la teneur du discours tenu par le Ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, lors du G20 qui s’est tenu à Washington.
Une position extrêmement surprenante de la part du Ministre, qui s’était pourtant positionné en faveur des cryptomonnaies il n’y a pas si longtemps dans Numérama.
Cette décision serait également prise conjointement avec l’Italie et l’Allemagne, qui pointent du doigt un risque pour la souveraineté nationale.
Un argument qu’il y a lieu d’entendre mais factuellement, tient-il la route ?
Les procédures d’émission de la monnaie sont strictement encadrées et découlent de prérogatives régaliennes étatiques réglementées au soutien des objectifs définis par chaque nation en termes de croissance, notamment.
Avec la mise sur le marché, d’une monnaie parallèle, nous ne sommes plus dans le cadre de ce contrôle par l’Etat mais par celui d’une entreprise privée qui non seulement pourvoira à son émission mais surtout et c’est ce qui est mis en exergue par les Etats qui la contestent, dans une visée essentiellement commerciale, au cœur d’un système parallèle largement critiqué voire réprouvé.
Une perte de contrôle insupportable pour les Etats contestataires.
Point d’orgue de ces critiques, un risque pour le consommateur :
- de voir cette monnaie virtuelle fluctuer bon gré mal gré, sans le moindre contrôle si ce n’est celui du réseau social quitte à subir les affres d’une soudaine dévaluation comme l’a connu son prédécesseur, le bitcoin ;
- de l’abandon total de l’intégralité de ses données de consommation, dans un objectif unique de croissance dudit réseau, en contravention des dispositions étatiques encadrant la protection des données personnelles.
Facebook a bien tenté de couper court à ces suppositions, en présentant un système de réserves en dollars et euros lui permettant de faire face à d’éventuelles difficultés au moyen d’une fondation indépendante domiciliée en Suisse.
Un contrôle supplémentaire qui échapperait aux organisations étatiques, ce qui risque de ne pas rencontrer leur soutien, qui estiment ces réserves potentiellement insuffisantes, du moins pas assez solides pour assumer un éventuel krach et invoquent un risque d’évasion fiscal comme une contravention aux dispositions TRACFIN, organisme qui a d’ores et déjà tiré la sonnette d’alarme à ce sujet.
Un rapport publié en fin d’année 2018, s’était d’ailleurs insurgé contre la création des cryptomonnaies, indiquant notamment que « les risques élevés que présentent les crypto-actifs en termes de blanchiment de capitaux tiennent principalement à l’anonymat ».
Il y a fort à parier que si Libra devait concrètement voir le jour, la cryptomonnaie se verra dotée d’un fort potentiel de séduction vis à vis de son utilisateur, notamment en matière de consommation mais également de libéralisme.
Le plaidoyer de Xavier Niel : révolution ou évolution du marché ?
Xavier Niel lui-même, par la publication d’une tribune dans les Echos il y de cela quelques jours, avait pris une position claire et ferme, véritable plaidoyer pour l’ouverture nécessaire des marchés.
« La France doit être au coeur de cette révolution. La nier ou lui fermer la porte ne serait profitable à personne » avait-il indiqué, précisant que « Libra existera comme les 1.600 autres monnaies virtuelles d’ores et déjà disponibles en France, c’est inéluctable, avec ou sans nous, que les Etats le souhaitent ou pas. La redouter ne l’empêchera pas d’arriver« .
En d’autres termes est-il préférable de nier un processus naturel de révolution des marchés y compris monétaires ou bien de s’inscrire dans une démarche d’accompagnement ?
Source : Le Figaro.