Et la décision est laminaire, avalisant le principe de la conservation des données de manière « généralisée et indifférenciée » selon les termes même de l’Arrêt qui vient d’être rendu par la Haute Juridiction Administrative.
Une décision qui renvoie notamment Free dans les cordes en le contraignant, ainsi que les opérateurs concurrents, à conserver l’ensemble des données relatives à l’intégralité de ses abonnés (adresse IP, géolocalisation, etc) en se réfugiant derrière le principe très largement interprété de la souveraineté nationale et contre laquelle s’est insurgée la Quadrature du Net, particulièrement âpre dans la défense des libertés individuelles en matière de numérique.
“Le Conseil d’État confère à la sacro-sainte sécurité nationale une définition si monstrueuse qu’elle lui permet d’annihiler le reste des droits fondamentaux” a communiqué sur le sujet l’organisme, qui dénonce les termes de l’Arrêt même, qu’elle considère comme travestissant la réalité juridique de l’application future des termes mêmes de son propre dispositif.
Une question de principe pour les opérateurs mais qui s’inscrit bien au-delà.
Pour rappel, l’opérateur de Xavier Niel avait sollicité par voie de requête, une modification de l’article R10-14 du Code des Postes et des Télécommunications, qui lui impose ainsi qu’à ses concurrents, de recueillir et conserver l’ensemble des données émises depuis les terminaux de ses abonnés et notamment le datage, l’hordatage, les données d’identification intéressant ses origines, la localisation du matériel comme des communications, etc ..
En d’autres termes, l’Arrêt rendu vient modifier un ensemble de textes légaux d’ores et déjà appliqués garantissant des libertés individuelles, en leur donnant un contresens et par voie de conséquence, en les privant de toute substance, comme de toute portée.
L’image écornée de la Start Up Nation.
Deuxième difficulté, cette décision s’inscrit en contrepied de textes supra nationaux et notamment de décisions rendues par la Cour de Justice de l’Union Européenne qui avait elle-même très clairement posé des limites au principe en le circonscrivant à la criminalité grave, à savoir la lutte contre le terrorisme et y inclure, par exemple, l’espionnage économique, le trafic de stupéfiants ou l’organisation de manifestations non-déclarées !
Or, en l’espèce, cette disposition ne semble pour le Conseil d’Etat, pas suffisante pour garantir la sécurité de l’Etat qui, si l’on en tire une interprétation stricto sensu, devrait se sentir perpétuellement menacé par les individus qui le composent.
Au-delà de la déception, il convient surtout de s’interroger sur l’image donnée par la France, qui s’inscrit en faux par rapport aux décisions prises au sein de l’Union Européenne tant dans ses propres actes que des décisions rendues par sa Cour de Justice, et notamment celle rendue en octobre dernier qui réaffirme le caractère fondamental et inaliénable des libertés individuelles.