L’ensemble de la création cinématographique doit régulariser aujourd’hui, au sein du Ministère de la Culture, la dernière mouture de la chronologie des médias.
Le projet, qui a pour vocation d’encadrer l’ordre de diffusion des oeuvres du 7ème art mais également leur exclusivité pour les prochaines années en fonction des supports après leur sortie sur grand écran, doit en effet être mis en place au plus tard le 10 février prochain, échéance du dernier en vigueur et se révèle peu populaire auprès des majors américains, qui ne ratent jamais une occasion de tancer vertement l’exception française, jugée archaïque, entraînant incompréhensions mais également agacements au regard de son caractère limitateur.
Une secteur en pleine mutation des usages depuis le début de la crise sanitaire.
Conséquence, les négociations se déroulaient encore ce week-end, soit à quelques encablures seulement de la signature définitive, entre l’ensemble des intervenants liés au monde du cinéma, producteurs, réalisateurs, exploitants de salle, télévisions gratuites, payantes, plateformes, services de vidéo à la demande, et les différents organes qui les représentent (Centre national de la cinématographie, Société des auteurs et compositeurs dramatiques).
Il faut dire que la crise sanitaire et les habitudes de consommation des amateurs de cinéma ont opéré une véritable mutation ces deux dernières années avec notamment une durée de subsistance de l’oeuvre en salle d’approximativement un mois, contre plusieurs auparavant, ouvrant la porte à un délai de quatre mois avant de pouvoir espérer une sortie en DVD ou sur le marché de la SVoD.
Fermeture des salles, restrictions, mise en place du passe sanitaire … ce laps de temps essentiel à la seconde vie de l’oeuvre, a été réduit dans un grand nombre de pays, à 45 jours, ce qui place la France loin derrière, en termes de compétitivité sur cette thématique, aggravée par le phénomène Canal+.
Canal+ entend avant tout tirer son épingle du jeu en conservant quelques privilèges.
Car si la filiale de Vivendi finance un grand nombre de productions, les conditions qu’elle pose, renforcées par des accords conclus en décembre dernier avec un certain nombre d’acteurs de la filière, ferment littéralement le marché.
Alors certes, Canal+ se contraint à investir 200 millions d’euros par ans, mais cela reste uniquement à la condition de garantir une diffusion sur ses propres bouquets et à titre exclusif, sur six mois, en bloquant ses concurrents les plus redoutables d’entrée de jeu pendant près de 17 mois, et ce malgré leurs investissements respectifs.
Les salles obscures face à l’influence grandissante des plateformes.
La situation est pour le moins inédite car inadaptée au marché selon certains de ses intervenants, comme la SACD, qui craint une désaffection des salles obscures à plus ou moins court terme avec la diffusion directement sur les plateformes, de leurs propres productions, ce qui pourrait être le cas de Disney+ qui détient un certain nombre de licences particulièrement attractives pour le grand public. La SACD refuse de son côté de signer l’accord à intervenir.
Enfin, le délai de diffusion sur les chaînes publiques comme privées française, fixé à 22 mois assorti d’une exclusivité le temps de cette diffusion, contraignant les plateformes à sortir les oeuvres de leur catalogue de manière ponctuelle. Ou bien à s’engager sur la voie d’une cohabitation un peu bancale, sous réserve d’accord avec les différents ayants droits, ce qui ne satisfait qu’à moitié les plateformes.
En d’autres termes, si la fin des négociations est proche, les choses sont loin d’être définitivement fixées et d’emporter un enthousiasme général, dans un milieu ou chaque jour compte et où il devient de plus en plus difficile de se démarquer de la concurrence.
C’est aussi le devenir de la production cinématographique qui se joue, alors que les usages de consommation ont littéralement été bouleversés, que la concurrence devient de plus en plus rude et la diffusion devenue un enjeu majeur bousculant le business plan des créateurs, comme des producteurs ou des diffuseurs.