En termes de contenu et de production, l’industrie Canal+ n’a plus à faire ses preuves et entend une nouvelle fois peser dans la balance du paysage audiovisuel français en rebattant les cartes de la chronologie des médias.
En effet, le principe retient le glaive des chaines en matière de diffusion télévisée, de manière à ne pas priver les films de leurs spectateurs en salle et ainsi saper la manne financière des cinémas.
Ce délai est cependant aujourd’hui remis en question par Canal+, qui entend le voir abaissé à 3 mois après la sortie de l’oeuvre en salle, de manière à conserver la main sur les productions en partie financées par ses soins et faire face aux mastodontes du streaming.
L’industrie du cinéma face à celle du streaming au coeur du problème.
Pour rappel, le fondement même de la chronologie des médias est menacé pour des raisons économiques depuis plusieurs années, du fait de l’émergence de nouveaux acteurs mais également de l’évolution des pratiques dans ce domaine.
Les plateformes numériques (Netflix, Amazon, etc.) occupent une place désormais majeure sur le marché, sans pour certaines se plier ni aux règles de la chronologie des médias ni aux obligations de financement de la création. Dans le même temps, des acteurs traditionnels, à l’instar de Canal+, se trouvent en grande difficulté, alors même que les préachats, notamment des chaînes payantes, sont au coeur du financement des films.
Conformément à ses obligations, Canal+ a par exemple préacheté 107 films en 2016 pour un total de 141,7 millions d’euros. Toutefois, cet investissement étant directement corrélé au chiffre d’affaires de la chaîne, dont il doit représenter 12,5 %, toute diminution de ce dernier a entraîné mécaniquement un moindre transfert de valeur au bénéfice de l’industrie cinématographique.
Les chaînes de télévision en clair estiment, pour leur part, perdre de l’argent du fait d’un retour insuffisant sur leur investissement en faveur du cinéma.
Aujourd’hui, dans le cadre des décrets SMAD, le Ministère de la Culture serait en cours de négociations avec les plateformes de streaming pour obtenir en contrepartie d’un financement des films locaux un diffusion ramenée à 14 mois (12 mois dans le cas d’accords), contrairement aux 8 accordés à Canal+, ne laissant à la chaine cryptée qu’une marge de manoeuvre infinitésimale selon ses dires.
Il s’agit pour Canal+ d’un va-tout complexe à mettre en place et à faire accepter aux acteurs de l’industrie cinématographique directement impactés en bout de course par ces négociations, dans un cadre lourdement impacté par la crise sanitaire et la fermeture des cinémas depuis l’an passé.
En tout état de cause, la démarche risque d’être fort peu appréciée et d’un peu plus marginaliser Canal+ d’ores et déjà mise au ban de l’industrie télévisuelle.