Le 25 mars prochain, la maison mère de Free dévoilera ses résultats annuels, dans un contexte où l’ensemble des opérateurs télécom français se livre à un véritable bras de fer sur tous les fronts : mobile, fibre, offres professionnelles et expansion internationale. Alors que Bouygues Telecom, SFR et Orange ont déjà ou sont sur le point de publier leurs performances financières, Iliad doit prouver que sa stratégie d’innovation et de compétitivité tarifaire n’affecte pas négativement sa rentabilité. Pour beaucoup d’observateurs, cette publication sera l’occasion de mesurer la solidité du « trublion » dans un marché en pleine mutation.
Un marché français hyperconcurrentiel
Depuis plusieurs années, le paysage français des télécoms est marqué par d’intenses rivalités commerciales. Les offres se succèdent, chacune promettant plus de gigas en 4G ou 5G, des box fibre toujours plus performantes, et des promotions agressives pour attirer de nouveaux clients. Free, historiquement positionné comme casseur de prix, a fait évoluer son image ces dernières années, notamment avec le lancement de box haut de gamme comme la Freebox Delta, ou encore la Freebox Ultra plus récemment.
L’objectif ? Conserver son ADN d’innovateur, tout en grignotant des parts de marché face à Orange, leader historique focalisé sur la qualité de service, Bouygues, champion des offres « tout-en-un », et SFR, qui tente de redresser une image parfois ternie par une politique tarifaire jugée complexe.
Or, les derniers bilans de la concurrence se veulent contrastés : Bouygues affiche une croissance solide de son chiffre d’affaires grâce à une hausse constante de sa base d’abonnés, SFR peine à stabiliser son organisation après diverses réorientations, tandis qu’Orange se recentre sur son offre premium et multiplie les initiatives pour maintenir sa réputation d’excellence. Dans ce puzzle, Iliad doit démontrer que son approche « disruptive » reste pertinente, sans sacrifier la durabilité financière.
Free Pro et l’expansion européenne : des paris d’avenir
Si Free s’est largement imposé sur le marché français des particuliers, le segment professionnel (B2B) constitue pour Iliad un relais de croissance déterminant. L’opérateur a récemment lancé la Freebox Pro 2 avec l’ambition de concurrencer Orange ou SFR sur leurs solutions dédiées aux entreprises : téléphonie, internet, services cloud, sécurité… Le potentiel est énorme, mais la concurrence, féroce. La publication des résultats annuels devrait apporter un éclairage sur les derniers résultats de Free Pro : nombre d’abonnés conquis, rentabilité, partenariats noués et perspectives de développement.
Par ailleurs, Iliad n’a jamais caché ses ambitions en dehors de l’Hexagone. Présente en Italie, en Pologne et depuis 2024 en Suède avec Tele2, la firme de Xavier Niel applique à l’international la même recette qu’en France : tarification agressive, offres simples, promotions percutantes et marketing audacieux. Le marché italien, très concurrentiel, est un test de taille : malgré l’arrivée tardive de la 5G, Free Italia tire son épingle du jeu, mais doit composer avec des acteurs solidement installés. De son côté, la Pologne constitue un nouveau vivier, porté par l’essor du numérique dans l’est de l’Europe. Là encore, la présentation des résultats servira de baromètre pour jauger si ces expansions affichent déjà des signes de rentabilité ou nécessitent encore du temps.
Guerre de la fibre, guerre des prix
En France, la fibre est devenue l’argument-phare. Les opérateurs rivalisent pour proposer des débits dépassant le gigabit/s, des box pilotées par la voix, et des chaînes en 4K UHD pour séduire les foyers exigeants. Après un déploiement accéléré de la fibre, Free estime qu’il lui faut désormais consolider sa base d’abonnés, d’où la multiplication d’offres promotionnelles et de box « haut de gamme » pour rassurer sur la qualité du service. L’équation se complique toutefois : si les promotions attirent le public, elles rognent également les marges. Les résultats annuels d’Iliad préciseront dans quelle mesure Free parvient à maintenir un équilibre entre recrutement d’abonnés et rentabilité.
Quant au mobile, la bataille tarifaire ne faiblit pas. SFR et Bouygues Telecom proposent régulièrement des forfaits à prix cassés pour gagner des parts de marché, mais Free continue de miser sur ses offres « tout compris » dans le sillage de son forfait illimité historique. Sur ce segment, l’opérateur se prépare aussi à la 5G standalone, la prochaine génération de réseau mobile, qui devrait être déployée plus largement en 2025. L’évolution de son ARPU (revenu moyen par abonné) sera scrutée de près : c’est le meilleur indicateur pour savoir si la course aux rabais ne se fait pas au détriment de la performance financière.
Un rendez-vous fondamental
Au final, les investisseurs et observateurs attendent de cette publication du 25 mars un éclairage sur la stabilité financière d’Iliad, mais aussi sur la vision stratégique du groupe. Free Pro tient-il ses promesses ? Les investissements massifs dans la 5G, la fibre et l’international pèsent-ils sur la marge ? Et surtout, quelle sera la feuille de route d’Iliad pour maintenir la pression sur ses concurrents ?
Au-delà des habituelles questions sur le niveau de trésorerie et la santé de la dette, c’est tout le positionnement d’Iliad dans le paysage télécom qui sera jugé. D’autant que la concurrence, ayant déjà révélé ses cartes ou s’apprêtant à le faire, laisse planer un doute : si l’opérateur a su bousculer le marché français depuis 2012, la donne a évolué, et les prix planchers ne suffisent plus nécessairement à faire la différence. Une chose est sûre : le groupe de Xavier Niel aura fort à faire pour continuer à convaincre, tout en évitant l’étau d’un marché où innover et couvrir tout le territoire reste exigeant, tant sur le plan technique que financier.