En Italie, les tractations autour de l’opérateur historique Telecom Italia (TIM) connaissent un nouveau rebondissement avec l’entrée potentielle de Poste Italiane au capital, au détriment d’iliad. Cette manœuvre vise-t-elle à empêcher l’émergence d’un nouveau grand acteur télécom étranger sur le marché italien ? À la lumière de l’expérience française, il est légitime de se demander quelles perspectives s’ouvrent désormais pour le groupe de Xavier Niel.
Un marché en pleine ébullition
Depuis son arrivée sur le marché italien en 2018, iliad s’est imposé comme un concurrent de poids, bousculant la donne par des offres à bas prix et une stratégie orientée vers la transparence tarifaire. Fort d’un succès rapide, l’opérateur a envisagé d’accélérer sa croissance via des fusions-acquisitions de grande envergure, comme en témoigne la tentative infructueuse de rachat de Vodafone Italie.
Dans ce paysage en mouvement, Telecom Italia (TIM) demeure l’opérateur national emblématique, dont une partie du capital (près de 9,8 %) est détenue par la Caisse des Dépôts italienne, au nom de l’État. Cette participation fait aujourd’hui l’objet de toutes les attentions, puisqu’elle doit être échangée contre une participation détenue dans Nexi, complétée par une soulte de 180 millions d’euros, au profit de Poste Italiane.
Poste Italiane, un levier d’État pour bloquer la concurrence ?
À première vue, l’arrivée d’un opérateur postal aux multiples activités (dont le mobile) dans le capital de TIM peut sembler logique : Poste Italiane, contrôlé à 64 % par l’État, est un acteur majeur des services publics italiens. En réalité, nombre d’analystes y voient plutôt une riposte pour éviter la mainmise d’un autre groupe — notamment étranger — sur TIM.
Le gouvernement italien, soucieux de préserver un opérateur national stratégique, s’inquiète en effet de l’influence grandissante d’iliad. Après l’échec du rapprochement avec Vodafone, iliad, en collaboration avec le fonds d’investissement CVC, s’intéressait cette fois à TIM. Les autorités transalpines redoutent qu’un contrôle étranger, même partiel, de l’opérateur historique n’aille à l’encontre de l’intérêt national, surtout dans un secteur aussi sensible que les télécommunications.
Parallèle avec le marché français : quelques convergences mais aussi des divergences
Pour mieux comprendre la stratégie italienne, il est instructif de tracer un rapide parallèle avec la France.
Points communs | France | Italie |
---|---|---|
Rôle fort de l’État | Participation publique dans Orange (ex-France Télécom) | Participation de la Caisse des Dépôts puis de Poste Italiane dans TIM |
Concurrence d’un nouvel entrant | Free (iliad) a dynamité le marché français dès 2012 | iliad s’impose rapidement comme 4ᵉ opérateur depuis 2018 |
Stratégie de consolidation | Tentatives de fusions, rapprochements dans les télécoms | Discussions sur rachat de Vodafone, ou fusion possible avec TIM |
En France, l’ouverture de la concurrence avait été pilotée de manière plus libérale, permettant à Free (iliad) de s’implanter solidement et de réduire les tarifs mobiles. Les pouvoirs publics, bien que présents au capital d’Orange, n’ont pas activement cherché à fermer le marché. Au contraire, ils y ont vu une opportunité pour stimuler l’innovation et la baisse des prix, malgré quelques bouderies encore persistantes de la part de Bouygues Telecom, on l’a vu récemment.
En Italie, la dynamique semble plus protectionniste. L’État, via Poste Italiane, cherche à empêcher un éventuel contrôle d’iliad ou d’autres acteurs internationaux sur TIM, arguant de la nécessité de conserver un « champion national ».
Des perspectives encore ouvertes pour iliad
Malgré ce blocage, tout n’est pas perdu pour iliad. TIM reste en pleine mutation, et son premier actionnaire, Vivendi, envisage la vente de sa participation de près de 24 %. Par ailleurs, même si le gouvernement italien se montre réticent à la présence de nouveaux capitaux étrangers, le PDG de TIM reconnaît que la fusion avec iliad pourrait générer de solides synergies.
Les alliances dans les télécoms sont souvent une question de timing : un accord peut ne pas aboutir aujourd’hui, puis redevenir attractif quelques mois plus tard, au gré des pressions financières, des besoins en investissement et de l’évolution des réglementations.
Alors, quelle stratégie adopter ?
Pour iliad, la conquête du marché italien a déjà porté ses fruits, avec une base d’abonnés croissante. L’opérateur peut continuer à jouer sur sa force commerciale et son image de marque pour gagner des parts de marché, sans forcément passer par l’acquisition de TIM. Il n’est cependant pas exclu que des opportunités de rapprochement réapparaissent, notamment si les équilibres actionnariaux de TIM se fragilisent davantage.
À court terme, iliad doit probablement ajuster sa stratégie en renforçant ses investissements dans son réseau propre et en consolidant sa position sur le segment fixe, un marché en pleine expansion dans la péninsule. Si la fusion reste difficilement réalisable dans l’immédiat, l’opérateur français conserve toutefois des marges de manœuvre pour continuer à se développer par lui-même et bousculer l’ordre établi.
L’intervention de Poste Italiane, soutenue par l’État italien, illustre donc une volonté claire de protéger un opérateur national stratégique. Mais cette manœuvre n’enterre pas définitivement les ambitions d’iliad : le marché italien demeure en quête de consolidation, et l’histoire récente a montré que dans les télécoms, les alliances se font et se défont à un rythme rapide.
L’avenir d’iliad en Italie repose donc sur un subtil équilibre entre politique, concurrence et innovation, sans pour autant remettre en cause les fondamentaux de la success story entamée en 2018.