Même si le boycott des Etats-Unis envers Huawei s’est légèrement décomplexé durant l’été, les mesures prises à l’égard de l’équipementier ne lui ont pas permis de s’ouvrir vers le marché occidental comme il l’aurait souhaité, si ce n’est en se déployant dans le cadre du partenariat conclu avec Monaco Telecom, certes au coeur de l’Europe, mais sur un territoire somme toute assez réduit.
Free mobile s’est d’ailleurs contre toute attente allié à Nokia dans le projet que l’opérateur entend déployer dès 2020 et ce malgré l’implication particulière de Xavier Niel dans le projet de Monaco Telecom.
C’est donc sur l’Est, avec un accord intervenu au mois de juin dernier, que les opérations de séduction de la firme de Shenzen se sont portées et notamment vers Moscou qui n’a pas manqué de s’engouffrer dans la brèche et de battre des cils en sa direction, en lui ouvrant grand la porte d’une première zone de tests 5G avec le concours de l’opérateur russe MTS.
Le développement technologique de l’Est, la véritable conséquence de l’embargo Trump.
L’aubaine est multiple, pour Huawei comme pour la Russie, grande consommatrice de data et pour qui la 5G représente une avancée majeure avec un débit démultiplié mais également toutes les possibilités entrevues dans le cadre des projets de villes intelligentes notamment en matière de gestion des réseaux routiers comme de la sécurité.
Un objectif de déploiement majeur et de commercialisation auprès du grand public et sur la majeure partie du territoire, du moins les agglomérations principales, est fixé à 2024.
Cette alliance qui pourrait n’être que le reflet de l’embargo qui impacte Huawei depuis les décrets pris par l’Administration Trump en sa défaveur, s’inscrit en réalité dans le cadre d’un déploiement sensible de relations commerciales et diplomatiques.
Un enjeu stratégique déterminant en terme d’alliance politique.
Les médias occidentaux portent un intérêt mineur à la Chine, dont ils ne connaissent en réalité que quelques dogmes commerciaux et un leadership en matière de production bon marché.
En réalité, la Chine, qui se prévaut toujours d’une appartenance à l’idéologie marxiste mais s’inscrit en plein mutation philosophique sur le sujet, a multiplié son PIB/habitant par 17 en 30 ans et connaît un seuil de pauvreté qui ferait pâlir d’envie les régimes occidentaux tout en assurant 30% de la croissance mondiale.
L’alliance avec la Russie lui permet d’opérer un basculement sensible vers un bloc Ouest / Est infiniment plus marqué tant au niveau commercial qu’au niveau politique.
L’énergie faisait auparavant office de secteur clé mais dès à présent, la technologie pourrait peser son poids d’une manière remarquable d’un point de vue stratégique.
C’est ce que confirment les propos de Zhao Lei, patron de la filiale russe de Huawei, qui confirmait lors du lancement de la 5G, que «nous travaillons en Russie depuis 22 ans et, surtout grâce à la confiance de nos partenaires estimés, nous y vivons bien», confirmant dans le même temps sa position de plus gros investisseur sur les technologies mobiles sur le territoire de l’ancienne URSS, avec «le plus grand laboratoire de recherche de tous les équipementiers» à Moscou.
Et force est de constater que Huawei décompte sur le sol russe pas moins de 550 collaborateurs répartis entre Saint-Petersbourg et Moscou outre un recrutement massif organisé sur les 5 prochaines années.
Une course instrumentée par la concurrence sévère opposée par l’opérateur Tele2 allié à Ericsson, qui le rend particulièrement compétitif sur le marché et risque de faire barrage à la stratégie de développement du front Est MTS / Huawei.
Aurora / HarmonyOS ou la clé de voute de la guerre froide technologique.
C’est sur fond de soupçons quant à la sécurité notamment que l’Administration Trump a entendu imposer par décret un embargo sur la firme de Shenzen, privant cette dernière des apports du système d’exploitation Android.
C’était sans compter sur les ressources techniques de Huawei.
La réponse ne s’était pas fait attendre, poussant ce dernier à dévoiler avant l’heure HarmonyOS, la Russie cherchant quant à elle à imposer Aurora.
Autant de soins paliatifs à Android s’inscrivant dans les prémices d’une guerre technologique et commerciale en terme de systèmes d’exploitation mais surtout le début d’une lutte acharnée pour mettre un terme à l’hégémonie américaine en la matière, ce qui est la véritable résultante du boycott Trump placé depuis lors dans une position d’arroseur arrosé.
Une véritable menace géopolitique pour certains qui ne s’attendaient pas à une telle riposte au poing sur la table de Donald Trump qui pensait benoitement faire plier le front Est technologique en invoquant des menaces liées à la protection des données et à la sécurité.
Doigt pointé qui fait doucement sourire, au regard des soupçons de plus en plus marqués quant à la distribution de ces mêmes données par Google et qui conférerait au litige, un caractère particulièrement savoureux si une telle course stratégique et politico-commerciale ne se déroulait pas en arrière-plan.