L’UFC Que Choisir est indignée et elle le fait savoir.
Dans un communiqué l’association de défense des consommateurs UFC Que choisir a déclaré que le gouvernement français « a inscrit, à la hussarde, le projet de loi Création et Internet à l’ordre du jour du Sénat à partir du 29 octobre » » sans attendre la décision de la Commission européenne qui doit examiner le projet de loi Hadopi le 23 octobre prochain et donner son « avis sur la compatibilité au droit communautaire de la riposte graduée ».
L’association, « indignée par l’aveuglement du gouvernement français qui s’entête, malgré les protestations européennes, à faire passer en force la riposte graduée du projet de loi Création et Internet », a adressé un courrier au président au président de la Commission européenne pour demander à la Commission « d’intervenir afin d’empêcher la France de légiférer ».
Voici la copie intégrale de ce courrier :
« Objet : Notification du projet de loi français « favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet »
Monsieur le Président,
Dans le cadre de l’examen par la Commission européenne de la notification du projet de loi français « favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet », que le gouvernement français souhaite faire adopter en urgence, permettez-moi d’attirer votre bienveillante attention sur l’incompatibilité d’un volet de ce texte avec certaines dispositions des projets de Directives du « Paquet Telecoms » en cours de discussion et plus généralement des droits fondamentaux européens.
En effet, vos propositions, telles que modifiées le 24 septembre dernier par différents amendements du Parlement européen, dont l’amendement n°138, sou lignent que la problématique de l’encadrement des téléchargements est actuellement traitée au niveau européen.
Conformément au projet de loi français adopté en Conseil des Ministres le 18 juin dernier et notifié à la Commission en juillet, un internaute, simplement suspecté de téléchargement illégal, peut se voir privé de sa connexion Internet sans décision judiciaire préalable.
Or, ce dispositif, contraire à toutes les garanties procédurales prévues au niveau européen, à commencer par le procès équitable et le respect de la présomption d’innocence, est également expressément condamné par l’amendement n°138 adopté , à une très large majorité (573 voix pour et 74 voix contre), par le Parlement européen. Si cet amendement était confirmé par le Conseil des
Ministres qui doit discuter du texte le 27 novembre prochain, alors la législation française serait définitivement contraire au droit communautaire.
En tout état de cause, la discussion du « Paquet Telecoms », et notamment de l’encadrement des téléchargements et de la protection du droit d’auteur, empêche l’adoption dans l’urgence du texte français.
En effet, cette actualité européenne justifie l’application de l’article 9. 4 de la Directive 98/34/CE. Conformément à cet article, un Etat membre doit reporter « l’adoption d’un projet de règle technique de douze mois à compter de la date de la réception (…) si, dans les trois mois qui suivent cette date, la Commission fait part du constat que le projet de règle technique porte sur une matière couverte par une proposition de directive, de règlement ou de décision présentée au Conseil conformément à l’article 189 du traité ».
Non seulement fondé juridiquement, un tel report s’avère indispensable en raison de la nécessité de trouver un juste équilibre entre une rémunération légitime des artistes et l’accès des internautes à la diversité culturelle comme le souhaite la Commission européenne. En effet, le débat très virulent qui sévit en France et en Europe suite à la tentative du gouvernement français d’imposer un mécanisme purement répressif mettent en danger les propositions de la Commission européenne pour renforcer, d’une manière souple et réfléchie, la place du contenu dans la réglementation télécom, de même que la future recommandation « Contenu en ligne ».
Au vu de ces éléments, et au-delà des critiques de fond sur le dispositif de riposte graduée à la française, vous serais-je reconnaissant de bien vouloir repousser l’adoption du projet de loi susvisé et inviter la France à privilégier à la logique du « tout répressif du projet de loi », le juste équilibre entre rémunération des artistes et intérêt des consommateurs promu par l’Union européenne.
Vous remerciant de l’attention que vous accorderez à ma démarche, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma très haute considération.
Alain BAZOT
Président de l’UFC-Que Choisir »
Et l’UFC de conclure : « Ce n’est pas parce qu’elle préside actuellement l’Union que la France peut imposer ses vues. »
Source : Pcinpact