Dans le cadre de la crise sanitaire, le gouvernement a pris un certain nombre de décisions notamment par voie d’ordonnance dont une publiée le 30 mars dernier, qui est passée inaperçue.
Ou presque.
Cette Ordonnance n° 2020-320, datée du 25 mars dernier, intitulée « 6ème Ordonnance » et publiée au JORF n°0074 du jour suivant, le Gouvernement a pourtant entendu revenir sur les conditions d’installation des antennes-relais indispensables à la construction des réseaux de téléphonie mobile, prévues dans la loi n° 2015-136 du 9 février 2015.
Au cœur du texte en question, outre une certain nombre de dérogations, on découvre une série de modifications drastiques des conditions d’implantations de ces nouvelles infrastructures, pendant l’état d’urgence sanitaire, dont :
- la suspension de l’obligation impartie aux opérateurs de transmettre préalablement le dossier d’information au maire ou au président d’intercommunalité ;
- la possibilité pour les opérateurs d’implanter de nouvelles infrastructures radioélectriques (antennes-relais) sans accord préalable de l’Agence nationale des fréquences ;
- un délai d’instruction du dossier raccourci à 48 heures en lieu et place du délai d’un mois prévu dans la Loi Elan ;
- une dispense d’autorisation préalable de la part des services d’urbanisme municipaux ou d’urbanisme pour les constructions nécessaires (permis de construire ou déclaration de travaux).
L’Ordonnance, pour le moins surprenante et promulguée en pleine crise sanitaire, confère ni plus ni moins, un blanc-seing aux opérateurs concernant l’installation d’infrastructures radio-électriques même si l’Ordonnance en question précise bien son caractère temporaire.
On imagine pourtant bien mal une désinstallation des infrastructures après la survenance d’un litige et si dans le principe, le texte fait une amende honorable sur ce point, dans la pratique, cette désinstallation a posteriori paraît bien intangible et s’inscrit manifestement en contravention de l’ensemble des dispositions prises en matière de santé publique.
Un texte pris en situation d’état d’urgence : pourquoi et pour qui ?
Au-delà de toute théorie du complot, cette manière de passer en force l’ensemble des installations d’infrastructures alors que :
- la campagne de déploiement des antennes 4G bat son plein ;
- les premières installations relatives à la 5G se développent et l’on ne peut pas dire que la France soit très en avance sur le terrain de la 5G, les procédures d’attribution des bandes de fréquence étant déjà très en retard par rapport aux autres pays européens, ce qui ternit quelque peu l’image de start-up Nation ambitionnée.
Cette situation, que l’on tente de justifier par la mise en place de l’état d’urgence sanitaire permet certes de poursuivre le déploiement des infrastures et par voie de conséquence, de limiter certains retards pris au niveau technique, mais prive tous les associations militantes et de défense notamment en matière de santé, de tout recours contre des installations qu’elles jugeraient abusives ou ayant des effets nocifs sur la santé, conformément aux dispositions [habituellement] en vigueur.
En d’autres termes, une crise sanitaire doit-elle une nouvelle fois justifier la mise en place d’une armada législative en violation de textes en vigueur aboutissant à une libéralisation totale d’un secteur donné ?