Fort de très beaux résultats sur le fixe, Orange montre sa toute-puissance sur le marché de la fibre optique (FTTH) en France. Quitte à interroger sur la création d’un nouveau monopole…
L’avance prise par Orange dans la fibre est-elle encore rattrapable ? C’est la question que se posent certains observateurs. Dans Le Monde (dont Xavier Niel, fondateur de Free, est actionnaire à titre individuel), un article se demande si l’opérateur historique n’est pas en train de reconstituer un nouveau monopole. En tant qu’opérateur de réseau, Orange est crédité de 70% des nouveaux déploiements de fibre optique jusqu’au domicile (FTTH) sur toute la France. Selon l’ARCEP (Autorité de régulation des télécoms), il dispose sur son propre réseau fibre de plus de 10 millions de prises raccordables, contre 1,2 million pour SFR et 324 000 pour Free.
Stratégiquement, pour l’ex-France Telecom, c’est plutôt bien vu : sa position dominante sur le marché de la fibre lui permet de parer à la baisse des revenus que lui procure sa rente sur le réseau cuivre, dont l’usage est voué à décroître face à la fibre. Il conserve ainsi une situation d’acteur incontournable. Ainsi, en ZMD (zones moins denses), Free loue le réseau fibre d’Orange, dans lequel il co-investit, pour proposer ses propres offres FTTH.
Mais, si la régulation avait imposé à Orange d’ouvrir son réseau téléphonique de cuivre à tous, via le système de dégroupage qui a permis l’émergence d’opérateurs alternatifs au début des années 2000, la situation est bien différente sur la fibre.
Une régulation plus leste que sur le réseau cuivre
En raison de la nature plus ouverte du marché, sur la fibre, les obligations réglementaires qui pèsent sur Orange sont moindres. En conséquence, les mésententes se multiplient entre l’opérateur et ses multiples partenaires, qu’ils soient gros ou plus modestes. Récemment, l’ARCEP devait trancher une demande de règlement de différend déposée par Free, sur les conditions d’accès au réseau fibre d’Orange en zone de co-investissement (AMII) : sur la durée des droits d’accès au réseau, les modalités de tarification ou encore la possibilité de raccorder des antennes mobiles, l’opérateur alternatif a obtenu pleinement gain de cause contre Orange.
Voilà plusieurs années que Free, par la voix de son DG d’alors (Maxime Lombardini), dénonce un cadre réglementaire « trop favorable à Orange » sur la fibre en France. Fin 2017, la Commission européenne préconisait à son tour la mise en place d’obligations accrues à l’encontre d’Orange, notamment sur « les systèmes d’information, la commande, la livraison et le service après-vente » de son réseau fibre.
Malgré ces accusations de laxisme, l’ARCEP (Autorité de régulation des télécoms) n’a pas changé de cap. Assumant son orientation, décrite comme « pragmatique » et « pro-investissement », le gendarme des télécoms a balayé l’idée d’un retour à une régulation asymétrique visant l’ex-historique. Au grand dam des petits opérateurs télécoms alternatifs, qui réclament une offre « bitstream » : soit un accès à la fibre déployée d’Orange, à un tarif de gros régulé, public et transparent, de façon similaire au dégroupage d’alors sur les offres DSL.