A bas le gratuit !
En quelques années, l’arrivée de la TNT, avec ses nouvelles chaînes gratuites, a considérablement changé la donne sur le paysage audiovisuel français. Avec 19 chaînes gratuites (dont Canal+, semi-gratuite), sans compter les chaînes régionales, se pose toutefois une question : faut-il poursuivre le développement de la TNT gratuite en France ?
Sur cette question, l’avis des éternels ennemis TF1 et M6 se rejoint : « les pouvoirs publics seraient bien inspirés d’appuyer sur la touche pause », affirme Nonce Paolini, PDG du groupe TF1. Même son de cloche pour Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, qui demande une interruption de l’expansion de l’offre sur la TNT gratuite.
Portés par un sondage, publié par Le Figaro, dans lequel 69% des Français estiment disposer de suffisamment de chaînes, les deux s’accordent à réclamer un moratoire jusqu’en 2014, voire en 2016. Et ce, alors même que les deux chaînes bénéficient toujours d’un canal “compensatoire”, attribué d’office, à utiliser…
En réalité, il se pourrait que cette subite levée de boucliers ne soit pas réellement provoquée par un « équilibre économique » prétendu (explication évoquée par Nicolas de Tavernost), mais tente plutôt de contrer un projet du groupe Canal+.
Contre toute attente, la chaîne cryptée avait annoncé en mars sa volonté de créer une chaîne entièrement gratuite sur la TNT (nom de code : Canal 20) avec son propre canal “compensatoire”. Elle s’était alors immédiatement attirée les foudres de ses principales concurrentes, mais également du ministère de la Culture. Ce dernier avait estimé que, même si la loi régissant les canaux TNT bonus pour les grands groupes audiovisuels historiques ne le précisait pas, Canal+ devait utiliser sa chaîne compensatoire pour un canal payant, assurant que « c’était clair dans l’esprit du législateur ».
Canal+ n’en démord pas et continue à croire en son projet de chaîne gratuite. Le gel de la TNT gratuite désiré par TF1 et M6 pourrait donc venir contrarier ses plans. « Nous ne sommes pas en mesure d’accepter un moratoire jusqu’en 2016, ni en 2014. C’est un non-sens », a souligné Bertrand Meheut, président du groupe Canal+. Celui-ci rappelle en outre que les chaînes, qui se plaignaient des risques concurrentiels lors de l’arrivée de la TNT, ne s’en portent pas plus mal : « [les groupes] TF1 et M6 représentaient 74% du marché en 2005. Ils totalisent 76% aujourd’hui ».
En parallèle, le principe même des canaux compensatoires reste particulièrement contesté, puisque la Commission européenne estime que leur attribution est contraire aux principes de « transparence et non-discrimination » du paquet Télécom européen. Il se pourrait que le CSA (Comité Supérieur de l’Audiovisuel) décide finalement de renoncer à ces canaux bonus pour se mettre en conformité avec les demandes de Bruxelles, ce qui réglerait le problème. Autant dire que l’avenir du Canal 20 est incertain pour le moment…
Le CSA devrait faire part de ses premières recommandations sur le sujet avant la fin juillet… tandis que de son côté, sauf retrait des canaux bonus, la procédure entamée par Bruxelles devrait se poursuivre par un avis motivé en septembre.
Source : Stratégies