On l’a vu la semaine passée avec les premières mesures impartissant aux entreprises de réduire la présence de leurs salariés sur leur lieu de travail, la fréquentation des réseaux a été au centre des préoccupations des instances en charge de leur gestion.
Plusieurs dispositions ont été prises et l’on gardera en mémoire l’intervention de Thierry Breton (Commissaire Européen en charge du numérique, mais surtout ancien Président Directeur Général de France Télécom entre 2002 et 2005 NDRL), notamment auprès des acteurs du streaming, pour les enjoindre de revenir techniquement sur la qualité de leurs vidéos pour éviter cette hypothétique saturation des réseaux.
Une injonction comminatoire à laquelle Reed Hastings pour Netflix, a répondu favorablement dès jeudi 19 mars en annonçant une réduction de 25% de ses débits en Europe, suivi de près par YouTube (Google), qui a modifié la qualité de ses vidéos pour les proposer dorénavant en définition standard par défaut soit 480p (modifiable cependant manuellement pour passer à la catégorie de définition supérieure).
L’occasion dans le même temps pour d’autres, de pointer du doigt Canal+ à l’origine d’une offre considérée par les uns comme généreuse mais pour la concurrence, comme en rupture avec certains principes, leur créant un préjudice économique certain mais également d’engendrer un premier retard dans l’arrivée de Disney+ sur le marché européen de la SvoD via … Canal+ également.
Alors comment s’y retrouver dans ce flux d’information, où les « sachants » avérés ou de fortune, côtoient les pourfendeurs du flux en distillant des informations plus ou moins viables en pratique ?
« Chaque jour, on voit le volume de data que supportent les réseaux croître, et on ne sait pas où ça va s’arrêter. Donc on continue à augmenter les capacités, à puiser dans les réserves mais celles-ci ne sont pas infinies. » affirmait il y a de cela quelques jours, Stéphane Richard, PDG d’Orange (ancien France Tele com s’il fallait le rappeler) dans un entretien accordé à RTL précisant qu’il n’excluait pas une « panne d’Internet à court ou moyen terme ».
« Disons que pour l’instant, c’est un peu comme si nous étions enfermés dans une cabane perdue en plein blizzard. Nous avons des vivres, mais nous ne savons pas combien de temps nous allons restés bloqués ni la quantité de nourriture que nous allons consommer par jour. En somme, nous ne sommes pas dans une situation catastrophique, le réseau tient, on a des marges, on gère. Mais on ne sait pas comment ça va évoluer dans la durée. »
Ce qui est sûr et certain, c’est que concernant une « prétendue » saturation des réseaux, il convient de préciser avec un minimum de recul, d’analyse et de bon sens, que si la consommation moyenne a certes augmenté, ce n’est pas le cas de la « consommation de pic ».
Or, les réseaux délivrant du contenu (le replay des TV, par exemple, ou la SvoD suivant les standards Netflix) ont une courbe de charge qui, en général, permet de constater un taux de remplissage affecté à la distribution de contenu supérieur en journée.
Cette courbe se révèle inversement proportionnelle si on jette un oeil sur le pic de soirée, répartissant ainsi de manière rationnelle cette consommation de contenu sur une période donnée de 24 heures.
Pour résumer, par voie de conséquence, le fameux pic, à l’origine actuelle des dimensionnements des réseaux, n’a pas spécialement évolué.
Enfin, si ceux-ci sont généralement plus fréquentés, cette fréquentation est loin d’être un véritable problème et cela relève d’une simple logique : si vous êtes dans la capacité de consommer du contenu vidéo en journée au lieu de télétravailler, d’autres sont préoccupés par d’autres activités le soir.
Quels enjeux pour les acteurs du streaming au-delà de la crise sanitaire ?
Pour résumer, la réponse apportée rapidement par les différents acteurs de la SvoD, du streaming ou du contenu en ligne, correspondrait uniquement à la simple image de marque qu’ils entendent véhiculer.
En d’autres termes, cette dégradation de qualité des débits n’apporte aucune véritable solution à un problème qui n’est pas encore d’actualité, mais réagir à une interpellation émise par Thierry Breton était la réponse indispensable à apporter pour conserver une image de marque génératrice de ressources supplémentaires en termes d’abonnés, soucieux de souscrire auprès d’un prestataire « éthique » surtout en période de crise où les comportements irresponsables sont pointés du doigt.
L’effet pervers, car il y en a un, c’est que cette dégradation, désormais possible, est une porte ouverte pour les opérateurs de faire pression sur les différents acteurs du marché, quelques mois seulement avant la commercialisation de la 5G en France et des véritables enjeux des économiques que son déploiement va représenter alors que les retards pris génèrent des difficultés et des impatiences non dissimulées de tous les côtés.
L’occasion de revenir sur le débat houleux des priorisations de flux et du principe de la neutralité des réseaux dont la préservation demeure pourtant une prérogative régalienne de l’ARCEP.
Merci à Clément Cavadore 😉