Des propos tenus vendredi par Stéphane Richard, le patron d’Orange, au micro de BFM Business ont créé une micro-polémique dans le microcosme des sites d’information télécoms.
Orange affirme…
Vendredi matin, face au journaliste Stéphane Soumier, le PDG d’Orange se vantait des bonnes performances de l’opérateur. Jusque là rien d’anormal, jusqu’à ce que celui-ci affirme qu’il regagne progressivement « des clients sur tout le monde et même, depuis quelques semaines, sur Free (…) On a une portabilité positive sur Free depuis novembre ». En clair, la balance des portabilités de numéros mobiles demandées entre les clients des deux opérateurs, jusque là favorable à Free, se serait inversée en novembre.
La petite phrase est extraite de l’interview (tout de même longue de 11 minutes 30) et relayée par de nombreux sites spécialisés. Malgré l’absence de toute donnée concrète, puisqu’aucun chiffre ne vient appuyer la thèse initiale. Après tout, pourquoi le PDG d’une grande société, cotée en bourse, tiendrait-il des propos potentiellement faux ?
…et Free dément
Dans la journée, Free apporte un démenti officiel sur 01net. Il est compact et tient en quelques lignes : « cette affirmation est erronée. Le flux de portabilités entre Orange et Free est massivement en faveur de Free depuis le lancement de son activité mobile. Et concernant les derniers mois, le solde est positif en faveur de Free Mobile en novembre et la tendance est plus accentuée encore sur les deux premières semaines de décembre ».
Non seulement Free affirme qu’Orange n’est pas passé devant lui sur les portabilités, mais il ajoute au contraire que la tendance semble se creuser. On est donc bien sur une guerre de communication, puisque un des deux opérateurs a forcément tort…
Une info impossible à vérifier
Le problème est le suivant : les chiffres de la portabilité entre opérateurs ne sont pas publics. Dès lors, il n’est pas possible de savoir qui des deux dit la vérité, et il ne sera probablement jamais possible de le vérifier. Les chiffres de recrutement habituellement publiés par les opérateurs à échéance trimestrielle ne permettent pas d’observer les migrations entre chaque opérateur, ni de connaître la proportion de numéros portés face aux nouveaux abonnements.
Free le précise lui-même en commentant son démenti, les chiffres de la portabilité sont normalement « confidentiels » et ne sont normalement pas utilisés « à des fins de communication commerciale ». Mais, si c’est bien Stéphane Richard qui a commencé ce petit manège, Free fait preuve du même travers en affirmant avoir creusé l’écart en décembre. En oubliant au passage de rappeler que ce pic de portabilités présumé est sans doute grandement lié à la vente privée Free Mobile qui s’est tenue les deux premières semaines de décembre. Et qui imposait de passer par une portabilité du numéro…
En bref, il s’agit d’une classique guerre de communication entre deux opérateurs. Chacun tombe dans les travers dont il accuse l’autre. Et les sites d’information se font les complices de ces opérations séduction, en relayant un peu trop facilement les affirmations péremptoires ne s’appuyant sur aucune donnée vérifiable. Cela permet de publier une affirmation suivie de son démenti, soit deux articles… à partir d’aucune information finalement.
La raison voudrait qu’on attende les classiques chiffres de recrutement trimestriels pour se faire un avis à l’échelle de l’ensemble du marché et non simplement sur les rapports d’un opérateur à l’autre. C’est ce que nous vous proposons de faire.