Quand Martin donne des arguments à Xavier
L’ARCEP a publié en fin de semaine dernière les contributions des opérateurs à sa consultation publique sur la terminaison d’appel vocal de Free Mobile, LycaMobile et Omea Télécom (Virgin Mobile).
On apprend dans ces documents que Free souhaite que sa TA soit fixée à 3,4 c€ par minute pour l’année 2012.
La terminaison d’appel (ou TA) est la somme que verse un opérateur de télécommunication à un autre lorsque l’un des ses abonnés passe une minute d’appel vers un autre réseau téléphonique. Étant donné les volumes globaux échangés chaque mois, les sommes en jeu sont considérables, et le choix du prix de la minute a une importance stratégique.
L’ARCEP a contraint les 3 opérateurs mobiles historiques à ramener leur TA à 2 c€/mn depuis le 1er juillet de cette année. Ce montant passera à 1,5 c€/mn au 1er janvier 2012, puis à 1 c€/mn au 1er juillet 2012. Enfin, la valeur sera plafonnée à 0,8 c€/mn au 1er janvier 2013.
La position de l’ARCEP
L’autorité s’interroge aujourd’hui pour savoir si elle doit également imposer un plafond aux TA des 3 nouveaux entrants (LycaMobile et Omea Télécom ont récemment signé un contrat Full MVNO respectivement chez Bouygues et chez SFR), et si oui, de quel niveau. Son analyse, qui doit maintenant être examinée par l’Autorité de la concurrence, est nettement en faveur de la mise en place d’une régulation du niveau de TA des nouveaux entrants.
L’ARCEP avance cependant 2 arguments militant pour un niveau de TA supérieur, au moins dans un premier temps, à celui des opérateurs mobiles déjà en place :
Le cas Free Mobile
Dans les documents transmis en réponse à cette consultation, Free Mobile exprime son souhait de profiter d’un TA à 3,4 c€ pour l’année 2012. Cette valeur n’est pas choisie au hasard : il s’agit du niveau de TA dont bénéficiait Bouygues Telecom jusqu’à fin juin 2011.
Free explique que Bouygues, qui s’est lancé sur le marché de la téléphonie mobile après SFR et Orange, a profité pendant plus de 10 ans d’un TA supérieur à celle de ses concurrent afin de faciliter son entrée sur le marché.
Le trublion indique également que tous les opérateurs ont été en mesure de créer des offres d’abondance voix (forfaits “illimités”) début 2011, alors que Bouygues proposait encore ce niveau de TA. Ce dernier serait donc compatible avec de telles offres et ne pourrait pas déstabiliser le marché.
Ce dernier argument mérite qu’on s’y attarde : c’est Free lui-même qui a en partie incité les opérateurs fixes, puis mobiles à lancer des forfaits illimités, en réponse commerciale à son forfait Freebox Révolution. Et ce même argument avait été avancé début 2011 pour militer pour une limitation de la TA des opérateurs mobiles historiques du fait de l’avantage financier qu’il leur procurait, ce qui a conduit au calendrier que nous connaissons aujourd’hui.
Face à cela, Orange et SFR estiment que rien ne justifie que Free profite d’une TA plus élevée qu’eux.
La réponse de Bouygues Télécom, ne manque, elle, pas de sel. Si l’opérateur réfute point par point les arguments de l’ARCEP en faveur d’un TA asymétrique en faveur de Free, il finit par admettre que si ces arguments étaient malgré tout validés, ils justifieraient la TA plus élevée. Mais uniquement pour l’année 2012, et avec une portée limitée… Bref, de manière surprenante — surtout lorsque l’on connaît les relations tendues entre les deux sociétés — Bouygues est l’opérateur mobile historique qui présente l’analyse la plus favorable à Free dans cette consultation.
Les Full MVNO
Pour ce qui est des Full MVNO, tous deux souhaitent une TA plus élevée que les autres opérateurs. Omea Telecom (Virgin Mobile) va même demander que sa TA ne soit pas du tout régulée. Les deux opérateurs sont soutenus dans leur démarche par Alternative Mobile (association regroupant les MVNO français), Transatel (fournisseur d’infrastructure pour MVNO) et NRJ Mobile (qui a conclu un accord avec SFR pour devenir prochainement Full MVNO à son tour…).
En face, tous les autres opérateurs (y compris le MVNO Lebara Mobile) affirment qu’il n’y a aucune raison pour que la TA appliquée aux Full MVNO soit supérieure à celle de l’opérateur hôte.
Pour sa part, Free Mobile trouve choquant le fait d’avoir été traité en même temps que les Full MVNO par l’ARCEP, car « [il] y a une différence d’un facteur cent en termes de niveau d’investissement et de risque industriel. Omea Telecom et LycaMobile ne déploient pas de réseaux, n’ont aucune obligation de le faire et n’ont aucune contrainte de calendrier de couverture à respecter ».
Source : ARCEP