C’est une décision qui risque de faire date, qui vient d’être rendue par la Cour d’Appel de Paris, dans un litige opposant l’ARCEP à l’opérateur historique, Orange quant à ses relations avec Free.
L’Ordonnance prononcée en date du 26 septembre mais communiquée hier soir par l’ARCEP, met un terme à une procédure initiée par Orange, à l’encontre d’une décision rendue par la formation RDPI (règlement des différends, poursuite et instruction) de l’autorité de régulation.
Pour rappel, la formation de l’Autorité chargée du règlement des différends avait, le 17 mai 2018 émis un avis à la demande de Free, dans le cadre d’un litige opposant l’opérateur de Xavier Niel à Orange.
Des conditions d’accès aux réseaux FttH dénoncées par Free.
Cet avis s’inscrivait en défaveur de l’opérateur historique et remettait en cause les accès concédés aux réseaux FttH à Free en zones moins denses d’initiative privée dans le cadre d’accords de co-financement.
Le conflit était porté devant les tribunaux et un recours par devant le Premier Président de la Cour d’Appel de Paris était formé par suite.
Ce dernier statuait par voie d’Ordonnance en date du 30 janvier dernier, rejetant la demande de sursis à exécution soulevée par Orange à l’encontre de la décision contestée de l’ARCEP qui venait préciser l’ensemble des conditions attendues par l’autorité de régulation dans le cadre de l’exécution de ce type de conventions.
En effet, Free s’est engagé depuis de nombreuses années vis à vis d’Orange, à participer au financement des réseaux FttH déployés par ce dernier. Accords se déroulant dans des conditions apparemment très discutées et soumises à l’arbitrage de l’ARCEP, qui devait se prononcer sur les trois chefs de demandes principaux du trublion des télécoms :
- « la durée des droits d’usage : l’Autorité a considéré que les droits d’accès d’une durée initiale de 20 ans, associés aux conditions de leur renouvellement telles que prévues dans le contrat d’accès, ne permettaient pas de satisfaire les besoins de Free de visibilité et de transparence sur la durée des droits d’usage accordés à Free par Orange. L’Arcep a donc imposé à Orange d’accorder à Free – en tant que co-financeur – un droit d’accès d’une durée définie et d’au moins 40 ans, lui permettant de disposer notamment de la visibilité adéquate au regard des investissements consentis.
- les modalités de la tarification de l’accès aux réseaux FttH : l’Arcep a estimé que, compte tenu de son statut de co-financeur sur une partie conséquente de la zone AMII, de sa situation particulière notamment eu égard au niveau d’investissement consenti par Free dans le cofinancement du réseau FttH d’Orange et du caractère agrégé des éléments de coûts demandés par Free, il était justifié et raisonnable pour Free d’obtenir des éléments de visibilité sur la formation des tarifs d’accès aux réseaux FttH d’Orange en zones moins denses d’initiative privée. Il a été imposé à Orange de proposer à Free un contrat d’accès prévoyant, d’une part, la définition de manière explicite et transparente des liens entre les principaux tarifs du contrat et les coûts du réseau cofinancé et, d’autre part, la transmission des grandes masses des dépenses d’investissement et d’exploitation du réseau déployé par Orange en zone AMII.
- l’utilisation de fibres surnuméraires : considérant la demande de Free comme équitable, l’Autorité a estimé qu’Orange devra permettre à Free de raccorder les stations de base mobiles de Free Mobile via les fibres optiques surnuméraires du réseau FttH déployé par Orange et cofinancé par Free, en zones moins denses d’initiative privée dans la limite de leur disponibilité et, le cas échéant, d’un volume à définir. Ce dernier point n’a pas fait l’objet d’une contestation d’Orange dans le cadre de son recours (…) ».
Le communiqué de presse publié par l’ARCEP indique d’ailleurs que « La décision de l’Autorité a notamment permis de préciser les attentes de la régulation en matière de visibilité donnée à un co-financeur tel que Free, aussi bien au niveau de la durée des droits d’accès aux réseaux FttH que sur les éventuelles évolutions tarifaires par la transmission d’éléments de coûts agrégés ».
Une position tranchée de l’ARCEP confortée par la Cour d’Appel de Paris.
Cette décision accompagne surtout la mise en œuvre du cofinancement, autour duquel est fondée la régulation de la fibre en France, sur l’ensemble du territoire.
Pour la Cour d’Appel de Paris, les conditions contractuelles du renouvellement du droit d’accès en cause en l’espèce n’étaient, dans leur principe et leurs modalités, « pas suffisamment précises eu égard au besoin de visibilité de la société Free sur la durée effective de ce droit ».
Elle a également jugé que le dispositif contractuel imposé à Orange par la décision de l’Arcep concernant la transparence des coûts sous-jacents aux tarifs et la définition des liens entre ces coûts et ces tarifs était « directement lié aux conditions financières de l’offre, dont il tend à garantir le caractère équitable ».
Cet Arrêt, qui rejette l’intégralité de l’argumentaire soulevé par Orange, vient conforte surtout deux éléments éléments essentiels :
- en premier lieu, les modalités de l’accès de Free aux réseaux mutualisés en fibre optique jusqu’à l’abonné d’Orange, notamment quand il a cofinancé ces mêmes réseaux ;
- en second lieu, il asseoit l’ARCEP et notamment sa formation RDPI, dans le rôle qui leur a été confié et qui a notamment fait l’objet d’une remise en question judiciaire par Orange par le biais d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité déposée devant le Conseil d’Etat puis retirée quelques semaines après.
L’intégralité de l’Arrêt est disponible ici.
Source : ARCEP.