S’appuyant sur une décision de l’Autorité de la concurrence, Orange, Free et Bouygues Telecom vont attaquer SFR en justice, espérant obtenir compensation.
Début novembre, l’Autorité de la concurrence sanctionnait SFR Group et Altice d’une amende de 80 millions d’euros pour avoir procédé à l’intégration de Virgin Mobile avant que le rachat ne soit validé par les autorités (cf. encart en fin d’article).
On le sait maintenant, les opérateurs concurrents vont s’appuyer sur cette décision (qui vient d’être publiée dans son intégralité) pour attaquer SFR, chacun de leur côté, et demander réparation. Ils estiment que cette fusion prématurée leur a porté préjudice. Une information initialement publiée par La Tribune, et aujourd’hui confirmée par Les Échos.
« Merci de ne pas oublier de détruire les mails après !!! »
Le dossier complet, publié par l’Autorité de la concurrence, est une mine d’or pour Orange, Free et Bouygues Telecom. On y trouve la preuve que SFR et Altice ont activement collaboré, plusieurs mois avant la validation du rachat, notamment par des échanges d’e-mails.
Les équipes ont échangé des informations, travaillé ensemble au lancement de la nouvelle Box TV Fibre mise sur le marché en septembre 2014… Patrick Drahi lui-même semblait considérer légal de « coordonner » ainsi le marché avant son terme. D’autres cadres de l’équipe de SFR étaient en revanche conscients du caractère illicite de leurs échanges, ajoutant la mention « Merci de ne pas oublier de détruire les mails après !!! ». Altice et SFR auraient ainsi gagné 6,5 mois par rapport à une mise en œuvre dans les délais prévus par la loi.
La teneur des infos est suffisante pour permettre aux trois opérateurs concurrents de réclamer « plusieurs millions d’euros » au titre de dommages-intérêts, souligne Les Échos. Mais SFR est toujours en capacité de faire appeL…
Une intégration anticipée, contre toutes les règles concurrentielles
Les faits remontent à 2014, lorsqu’Altice (maison-mère de Numericable) rachète consécutivement le groupe SFR, puis OTL, la maison-mère de Virgin Mobile. L’intégration rapide des actifs des deux opérateurs achetés font alors penser au gendarme concurrentiel qu’Altice a débuté les opérations avant même d’obtenir l’approbation réglementaire préalable à la fusion.
Ces soupçons ont été renforcés par un « certain nombre d’indices – émanant notamment d’opérateurs concurrents », recueillis par l’Autorité de la concurrence. Et, en effet, depuis quelques mois, le bruit court qu’une sanction record pourrait tomber sur Altice et SFR. C’est maintenant confirmé.
Conclu en mars 2014, l’accord entre SFR et Altice (Numericable) n’a été validé que des mois plus tard. Le 27 octobre 2014, l’Autorité de la concurrence donnait son feu vert à la fusion, sous conditions ; ce n’est qu’à cette date que l’opération était autorisée. Pendant cette période de battement, les équipes des deux groupes étaient autorisées à discuter entre elles, mais guère plus. Elles ne pouvaient, notamment, pas travailler activement à la fusion. Idem dans le cadre de l’opération entre Altice et Virgin Mobile.
L’ADLC a démontré aujourd’hui que les groupes ont bien travaillé ensemble pendant la période suspensive (ce qu’on appelle du « gun jumping »). Renforcement de liens économiques, échange d’informations stratégiques, et même prise de fonction de nouveaux exécutifs avant la validation… les preuves ne manquent pas.