Deux membres de la communauté SFR, invités par l’opérateur pour des tests, ont publié un comparatif sur la différence entre fibre FTTB et FTTH. Entre approximations techniques et intox pur, on fait le point…
Un test « communautaire »
C’est début août que deux membres d’honneur de la communauté SFR (RafCorDel et TaZe78) ont publié sur le forum officiel de l’opérateur le fruit de leurs conclusions sur la différence entre la fibre FTTB (fibre complétée par du câble coaxial dans les immeubles), telle que déployée par Numericable-SFR, et la fibre FTTH (fibre optique de bout en bout), commercialisée par ses concurrents comme Orange et Free. Bilan : contre toute attente, le FTTB serait au moins équivalent au FTTH !
L’article n’est pas réalisé par SFR lui-même. Officiellement, celui-ci s’est contenté d’inviter deux membres de la communauté pour réaliser des « tests » dans ses locaux. Cependant, c’est bien un community manager de l’opérateur qui l’a publié et mis en avant sur les forums, tandis que SFR l’a relayé sur son compte Twitter. La vidéo accompagnant l’article a, en outre, été réalisée par SFR et publiée sur son compte d’assistance YouTube officiel. On ne peut donc pas nier l’implication de l’opérateur au carré rouge dans la réalisation du comparatif. Et ce détail aura son importance…
Un comparatif biaisé sur les débits
En compagnie de plusieurs « experts SFR », nos deux comparses ont été invités au Campus SFR de Saint-Denis. Objectif affiché de la visite : répondre à la question « est-ce que la FTTB est au niveau de la FTTH ? ». Pour cela, ils ont été amenés à réaliser différents tests en aveugle, sur plusieurs usages courants : téléchargement d’un album ou d’un film sur smartphone, visionnage d’un film en streaming sur tablette, ou encore jeu en réseau sur PC.
Premier bémol, les deux tests ont été réalisés sur des forfaits FTTH et FTTB à 100 Mbps. Il va donc de soi qu’en « téléchargement pur, en débit descendant, la FTTB et la FTTH étaient en tout point équivalentes ». Les esprits chagrins feront remarquer que, même limité à 100 Mbps, le FTTH présentait probablement de bien meilleurs résultats sur les tests de jeux en réseau, grâce à un ping moins élevé, mais l’article ne fait pas mention de ce détail.
Évidemment, on pourra arguer que la plupart des offres commerciales FTTH proposent à l’heure actuelle des débits en réalité bien supérieurs : entre 500 Mbps et 1 Gbps selon les opérateurs. Si le comparatif en avait tenu compte, le FTTB, qui peine souvent à atteindre les 200 Mbps à l’heure actuelle (le débit annoncé est de 800 Mbps maximum, limité à quelques villes de France), aurait vite montré ses limites.
L’upload ? C’est un truc de geeks !
Et on ne parle là que du débit descendant (en téléchargement). Le débit montant atteint très rarement les 40 Mbps maximum théoriques sur les offres FTTB, là où il est de 50 à 200 Mbps sur les offres FTTH à l’heure actuelle.
L’article admet bien que l’upload « était dix fois plus rapide » en FTTH, mais escamote rapidement cet argument en affirmant que cela ne permettrait que de « transformer son chez-soi en salle serveur, ce qui ne concerne que peu d’entre nous ». Avoir un débit montant ne serait ainsi utile qu’à une poignée de geeks, si l’on en croit nos deux testeurs.
Ici, le comparatif fait volontairement l’impasse sur de nombreux usages grand public, gourmands en débit montant, rendus possibles grâce à la fibre optique en FTTH : envoi de fichiers volumineux sur des serveurs (une vidéo sur YouTube par exemple) ou à ses amis, accès à son propre ordinateur à distance, webcams HD, diffusion en direct sur des sites tels que Twitch, et on en passe.
Des aberrations techniques à la pelle
La désinformation devient insidieuse lorsque la comparaison se risque à aborder des aspects plus techniques, qui ne sont manifestement pas maîtrisés.
Les auteurs affirment notamment qu’en FTTH, « le débit est divisé » en cas d’utilisation de la TV ; ainsi, sur une ligne FTTH à 100 Mbps, si deux utilisateurs regardent la télévision, il ne resterait plus que 33 Mbps pour le troisième utilisateur qui surfe. A contrario, le FTTB a l’avantage de « séparer » le flux TV du flux data. Cet exemple est rigoureusement faux pour plusieurs raisons :
- Les opérateurs FTTH tels qu’Orange ou Free ne décomptent pas le débit utilisé par la télévision. Sur une offre Orange à 100 Mbps par exemple, même en regardant la télévision, vous continuerez à bénéficier de 100 Mbps pour surfer et pour d’autres usages.
- Quand bien même, les offres FTTH à 100 Mbps se font rares comme on l’a dit plus haut. Chez Free, par exemple, la question ne se pose pas puisque l’offre fibre est 1 Gbps pour tous (physiquement limitée à 600 Mbps sur Freebox Révolution en mode routeur). Dans ces cas, le débit proposé par le FTTH sera quoi qu’il arrive bien supérieur au FTTB, télévision allumée ou pas.
- Enfin, le calcul est erroné : les flux TV utilisés à ce jour chez SFR sont loin de faire 33 Mbps chacun, même en HD et même en fibre. À titre d’exemple, ils atteignent 12 Mbps au grand maximum. Deux flux TV simultanés ne consommeraient donc que 24 Mbps et certainement pas 66 Mbps comme affirmé dans l’exemple.
Mais ce n’est pas tout !
Le comparatif finit en évoquant la possibilité d’un déploiement de la norme DOCSIS 3.1 sur le câble coaxial, qui permettrait d’atteindre jusqu’à 10 Gbps en réception et 1 Gbps en envoi via FTTB. Et d’en déduire ni plus ni moins que « le FTTB pourrait supplanter la FTTH en débit pur ». Cela ne fait aucun sens, là encore, pour une variété de raisons :
- On parle ici de vitesse théorique atteignable, et non de débits commercialisés. À ce petit jeu, la fibre optique FTTH garde une longueur d’avance confortable puisqu’on y atteint déjà sans difficulté des débits de l’ordre de plusieurs centaines de gigabits par seconde. Le record actuel établi en laboratoire est même d’1,05 pétabit par seconde (1 million de Gbps !) sur une distance de 52,4 km.
- La fibre optique est bien moins sensible aux pertes et aux perturbations. Cela lui permet de transiter des débits sur de longues distances, là où le coaxial perd rapidement en qualité de signal. Les débits théoriquement atteignables sont donc rapidement pondérés par la longueur de câble reliant le répartiteur à l’abonné dans l’immeuble…
- Le FTTB reste une conjonction de coaxial et de fibre optique. Il est donc physiquement impossible que celui-ci fasse un jour mieux que le FTTH, qui n’est que de la fibre optique seule. C’est du bon sens !
Une propagande pro-FTTB à peine déguisée
On pourrait continuer longtemps à analyser le contenu de cet article et de la vidéo qui l’accompagne. On se contentera de dénoncer les mensonges qu’il relaye, qui tendent à faire croire que le FTTH et le FTTB ne présentent aucune différence, ou si peu aux yeux de l’utilisateur.
Nous ne sommes pas foncièrement opposés au déploiement du FTTB, qui est une solution comme une autre afin d’apporter le très haut débit aux utilisateurs — potentiellement plus rapidement, ou en tout cas de façon moins coûteuse, qu’avec un raccordement FTTH. C’est le choix stratégique qu’a fait Numericable-SFR et nous le respectons.
Mais il y a une différence entre les technologies FTTB et FTTH, et il nous semble important de le souligner. En optant systématiquement pour l’emploi du terme « fibre » auprès du grand public, et maintenant en se faisant l’écho de comparatifs mensongers (qui sont, de manière fort pratique, rédigés par la « communauté »), le groupe Numericable-SFR tente de tromper les consommateurs. Aussi, avons-nous décidé de réagir. Ne vous laissez pas berner et restez vigilants !