Altice vient d’obtenir une avancée majeure dans sa quête de désendettement. Plus de 90 % de ses créanciers ont approuvé le plan de refinancement de la dette, qui prévoit une réduction de 8 milliards d’euros en échange d’une cession de 45 % du capital du groupe. Un tournant majeur pour Patrick Drahi, fondateur et principal actionnaire d’Altice, qui se voit contraint d’abandonner une partie de son contrôle sur l’entreprise pour éviter l’asphyxie financière.
Si ce plan marque une respiration temporaire, l’horizon reste encore chargé pour le groupe télécom. La dette consolidée d’Altice devrait s’établir à 15,5 milliards d’euros une fois ce plan mis en œuvre, et l’objectif final est d’atteindre 13 milliards d’euros grâce à la vente du réseau fibre de SFR, détenu aujourd’hui à 50 % par Altice. Mais au-delà des actifs, la masse salariale subit elle aussi une liquidation progressive, permettant de compenser une partie des pertes et de renforcer la rentabilité du groupe.
Une restructuration sous contrainte : le poids des taux d’intérêt
Avec un endettement colossal et une hausse généralisée des taux d’intérêt, Altice n’avait d’autre choix que de restructurer sa dette en profondeur. Les créanciers, initialement réticents, ont fini par accepter cette restructuration après une année de bras de fer intense. L’objectif était double : éviter un défaut de paiement et préserver au maximum les actifs stratégiques du groupe.
Mais cette restructuration a un prix : Patrick Drahi perd une part significative de son emprise sur Altice, une situation qu’il avait toujours cherché à éviter. Jusqu’ici, le fondateur avait systématiquement privilégié des opérations financières complexes pour éviter de diluer son capital. Aujourd’hui, les réalités du marché et la pression des créanciers l’obligent à céder une part du contrôle.
Vente du réseau fibre : la dernière carte d’Altice pour alléger la dette
Pour atteindre son objectif de 13 milliards d’euros de dette, Altice mise sur une vente stratégique : la cession de XpFibre, la filiale qui détient le réseau fibre de SFR. Cet actif, jugé très attractif sur le marché des infrastructures télécoms, suscite l’intérêt de plusieurs fonds d’investissement.
Parmi les candidats sérieux figurent :
- KKR, le fonds américain qui a récemment acquis le réseau de Telecom Italia, et qui semble en discussion avancée avec Altice.
- Ardian, un autre acteur français majeur, qui pourrait aussi entrer dans la course.
- GIP et CDPQ, qui pourraient soumettre des offres concurrentes cet été.
Cette vente, qui pourrait porter sur l’intégralité du capital de XpFibre, est essentielle pour éviter une nouvelle spirale d’endettement et donner de l’oxygène au groupe. Toutefois, elle signifierait aussi la perte d’un actif clé pour Altice, limitant son influence sur le marché des télécoms en France.
Un assainissement brutal de la masse salariale
Au-delà des ventes d’actifs, Altice a également mis en place une réduction drastique de ses effectifs. La rationalisation de la masse salariale a été valorisée entre 1 et 13 milliards d’euros en quatre ans, une somme considérable qui montre l’ampleur des coupes budgétaires en cours.
La manoeuvre d’Altice dans ce domaine repose sur plusieurs leviers :
- Des suppressions de postes massives, notamment dans les divisions support et service client.
- Une optimisation des coûts opérationnels, en réduisant les budgets alloués aux services internes.
- La délocalisation et l’externalisation, avec un recours accru aux prestataires internationaux.
Si cette politique permet de réduire les charges fixes, elle pose néanmoins des questions sur la capacité du groupe à maintenir un service de qualité, notamment chez SFR, où les abonnés ont déjà fait face à plusieurs dysfonctionnements ces dernières années.
Une position fragilisée face à la concurrence
La restructuration d’Altice intervient dans un contexte où la concurrence dans les télécoms n’a jamais été aussi intense. Entre Bouygues Telecom, Orange et Free, chacun cherche à renforcer sa position tandis qu’Altice tente de colmater les brèches.
Sur le segment du très haut débit, la vente de XpFibre pourrait bien affaiblir le contrôle de SFR sur son propre réseau, le mettant davantage à la merci de ses concurrents. Par ailleurs, la réduction des effectifs et des coûts impactera forcément la qualité de service, un point déjà sensible chez certains clients SFR.
D’un point de vue financier, cette restructuration soulève des incertitudes sur la capacité future du groupe à investirdans l’innovation et l’expansion. Si l’allégement de la dette est une priorité, Altice perdra obligatoirement des opportunités à long terme, faute de ressources suffisantes.
Un pari risqué, mais devenu nécessaire
L’accord conclu avec les créanciers marque une étape clé pour Altice, qui parvient à éviter une crise immédiate. Cependant, la cession de 45 % du capital, la vente de XpFibre et la réduction drastique de la masse salariale constituent des choix douloureux, qui vont profondément remodeler le groupe dans les années à venir.
Si cette restructuration permet d’assurer la survie à court terme, elle pose la question de l’avenir d’Altice. Patrick Drahi, habitué aux montages financiers audacieux, doit désormais naviguer dans un environnement où les créanciers ont pris un rôle déterminant. Le challenge sera d’autant plus complexe que la concurrence s’intensifie et que les attentes des clients restent élevées.
Reste à voir si cette cure d’austérité suffira à stabiliser le groupe ou si, au contraire, elle ne fera qu’accentuer les fragilités déjà présentes dans le modèle économique d’Altice.