Ces derniers jours, une polémique opposant Megaupload à France Telecom (et plus spécifiquement au fournisseur d’accès France Telecom) a fait la Une des sites spécialisés.
Bien connu des internautes, Megaupload est une des solutions d’hébergement de fichiers les plus populaires au monde, basée à Hong-Kong. Avec son petit frère Megavideo, site de streaming, les deux sites se sont forgés une solide réputation pour leurs contenus… majoritairement illégaux.
La société éditrice de ces services, habituellement très discrète (et on peut la comprendre…), a pourtant décidé de mettre en avant les problèmes de connectivité qu’elle rencontre avec France Telecom, dans un avertissement en français spécialement destiné aux abonnés Orange.
Mis en place jeudi 13 janvier, le message — vite retiré — mettait en avant les problèmes rencontrés avec France Telecom, en accusant ce dernier de ne pas mettre en place les moyens suffisants pour une bonne connectivité vers Cogent et TATA. Comble de la provocation, il invitait même les abonnés mécontents à résilier pour se rendre chez « un fournisseur Internet avec une excellente connectivité Internet mondiale, tel que SFR ou Iliad (free.fr, Alice) »…
- Capture : PC INpact
Orange s’offusque, s’estimant victime d’accusations mensongères. Megaupload persiste et continue à accuser Orange de proposer une capacité de peering insuffisante avec Cogent. Les deux firmes se renvoient la balle, Megaupload envisage de remettre son message d’avertissement en service…
Si ces problématiques d’interconnexion font partie du quotidien des fournisseurs d’accès, elles n’en sont pas moins généralement inconnues du grand public. En décidant de mettre en avant de manière aussi claire un aspect généralement occulté dans le fonctionnement du réseau mondial, Megaupload cherche à faire réagir Orange en braquant les projecteurs sur ses pratiques.
Cette manœuvre pourrait bien avoir un effet bénéfique inattendu : lancer auprès d’un large public un débat déjà bien connu des utilisateurs avertis, celui du financement des réseaux. A l’heure où les usages dits asymétriques se multiplient (typiquement les services de téléchargement et de streaming lourds), c’est plus que jamais d’actualité…
Cela fait déjà un certain temps que les opérateurs français appellent les prestataires de services à participer au financement des réseaux : à ce titre, Free est sans doute le plus actif. A de nombreuses reprises, ses dirigeants ont demandé à ce que les entreprises les plus gourmandes en bande passante, telles que Google (Youtube), soient mises à contribution. Orange a, plus récemment, tenu un discours similaire. Tous arguent que ces sociétés ne cherchent pas à réduire les coûts pour les opérateurs, en leur laissant l’intégralité de la charge financière (peering). En d’autres termes, ils profitent de leurs infrastructures sans contrepartie…
De son côté, Megaupload explique, dans un courrier adressé à PC INpact, que France Telecom cherche au contraire à se débarrasser de tous les coûts : « FT veut faire payer Megaupload et notre partenaire Cogent pour le réseau en plus de faire payer les clients DSL de FT ». La situation n’est pas nouvelle ; Cogent reconnaît depuis des années le manque de coopération de France Telecom, mais n’a jamais bénéficié de la caisse de résonance qu’est Megaupload pour faire valoir sa cause.
Mega, qui reconnaît que les autres opérateurs français font preuve d’une meilleure politique de peering, met tout de même le doigt sur un aspect intéressant du problème : « Des sites comme Megaupload et Megavideo rendent le DSL plus populaire et les clients payent davantage pour une meilleure connexion. FT bénéficie grandement de notre existence », explique la firme — par le simple fait d’exister, les services rendent Internet attractif auprès du grand public et permettent aux fournisseurs d’accès de connaître le succès… un autre son de cloche, par rapport au discours des opérateurs.
A défaut de résoudre quoi que ce soit (pour le moment), le débat aura au moins le mérite de mettre en lumière ces problèmes et rappeler au grand public que derrière la connexion, que l’on branche et qui marche immédiatement, il y a de nombreuses tractations, des enjeux techniques et économiques parfois complexes… dont on ne se rend compte de l’existence et de l’utilité que quand cela échoue et impacte l’utilisateur.
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