En dépit du déploiement massif de la fibre optique, le cuivre demeure un élément clé pour des milliers de lignes téléphoniques en France. Malheureusement, sa valeur élevée sur le marché des métaux en fait une cible de choix pour les voleurs, et les sanctions, jugées insuffisantes par certains, peinent à enrayer le phénomène. Selon le quotidien Le Parisien, 200 foyers et entreprises des communes d’Allouagne et de Choques (dans le Pas-de-Calais) sont privés de téléphone fixe depuis plus d’un mois, victimes d’un vol de câbles de cuivre.
Ce cas n’est pas isolé : Orange, l’opérateur historique, annonce que 2 300 vols de câbles ont été recensés l’année dernière, soit environ 1 800 km dérobés, à raison d’une moyenne de six vols quotidiens. Le phénomène, déjà important, est en hausse de 35 % par rapport à 2023. Et cette année s’annonce pire encore : sur les seuls mois de janvier et février 2025, Orange a enregistré 500 nouveaux vols, soit deux fois plus qu’à la même période l’an passé.
Des voleurs de plus en plus audacieux
Traditionnellement, ce type de larcin se produisait la nuit, sur des axes peu fréquentés, là où les risques de se faire repérer étaient minimes. Cependant, il apparaît que les voleurs redoublent désormais d’audace. Selon Orange, ils n’hésitent plus à opérer en plein jour, parfois au milieu de zones urbaines, revêtus de faux uniformes de l’opérateur, comme si de rien n’était.
À cette évolution des méthodes s’ajoute un problème de base : le prix du cuivre reste relativement élevé, offrant un gain substantiel aux voleurs. Tant que la valeur économique de ce métal ne connaîtra pas de chute significative, il est probable que les tentatives de vol continueront, d’autant plus que les poursuites judiciaires ne dissuadent pas suffisamment ces malfaiteurs.
Des conséquences lourdes pour les usager
Pour Orange, tout vol de câble peut entraîner la coupure de plusieurs centaines de lignes. Sur certains axes, le câblage peut comporter des centaines de paires à rebrancher une par une, exigeant une main-d’œuvre hautement qualifiée et un temps d’intervention considérable. Résultat : dans le meilleur des cas, la réparation prend quelques jours, mais elle peut s’étendre sur plusieurs semaines, notamment lorsque l’opérateur doit gérer des problèmes d’approvisionnement et faire face à l’absence de câbles en stock.
De leur côté, les particuliers et les professionnels privés de service téléphonique subissent un désagrément majeur. Les conséquences peuvent être importantes pour les entreprises qui dépendent de leur ligne fixe pour communiquer avec leurs clients ou pour les personnes isolées dont le téléphone fixe est parfois le seul moyen de contact extérieur.
Des plaintes rarement suivies d’effets
Si Orange et la SNCF (également touchée par les vols de cuivre sur ses voies) ont mis en place diverses mesures de dissuasion — sécurisation de sites, surveillance accrue, signalements… — il s’avère qu’aucune solution ne semble mettre un terme définitif au fléau. À titre d’exemple, Orange envisage à long terme de démanteler totalement le réseau cuivre (d’autres dispositions l’y contraignent également), mais pas avant la fin de la décennie.
Par ailleurs, l’arsenal judiciaire paraît peu efficace. L’opérateur a déposé 1 200 plaintes l’an dernier, dont seulement 56 ont mené à un jugement. Cette situation engendre un sentiment d’impunité chez les voleurs et freine la volonté d’engager des poursuites coûteuses. En somme, tant que le risque de sanction reste faible et que la rentabilité est élevée, les vols de cuivre demeurent un fléau récurrent.
Un paradoxe face au déploiement de la fibre
L’ironie de la situation réside dans le fait que, malgré l’essor de la fibre optique en France, des milliers de lignes reposent encore sur le cuivre, ce qui rend ces installations toujours stratégiques pour une partie de la population. Nombreux sont ceux qui n’ont pas encore basculé sur la fibre, soit par manque d’éligibilité, soit par choix, ou tout simplement parce que la migration n’a pas encore été finalisée dans leur secteur.
De plus, l’infrastructure cuivre reste utilisée pour certains services annexes, à commencer par des systèmes de télésurveillance ou d’équipements d’entreprise. Dans ce contexte, le déploiement de la fibre est loin de marquer la fin de la dépendance au cuivre : la transition nécessitera encore du temps, pendant lequel ces vols continueront de se produire.
Une prochaine sortie de crise ?
Orange et les autres acteurs concernés (collectivités territoriales, SNCF, pouvoirs publics) continuent de rechercher des solutions pour limiter la casse. Certains évoquent la mise en place de moyens technologiques (caméras de surveillance, capteurs de mouvement), d’autres misent sur un renforcement législatif ou la sensibilisation des ferrailleurs pour mieux tracer l’origine du métal récupéré.
Toutefois, même avec ces efforts combinés, il sera difficile d’éradiquer totalement le fléau tant que l’infrastructure cuivre ne sera pas officiellement retirée. En attendant, la priorité semble être de minimiser les désagréments pour les abonnés, en améliorant la réactivité des équipes techniques d’Orange et en renforçant la disponibilité de pièces de rechange.