C’est dans une ambiance pour le moins délétère, que l’avenir de Nice-Matin s’est joué hier, balloté entre les déclarations de Xavier Niel, acquéreur de 34 % de parts jusqu’à lors détenues par la société belge Nethys et qui lui confèrent la qualité d’actionnaire majoritaire et le vote massif des actionnaires salariés qui s’est prononcé à 60 % en faveur du projet de reprise de l’homme d’affaires franco-libanais Iskandar Safa.
Cette prise de participation au capital social, s’est effectuée au moyen de l’acquisition de 51% de parts détenues par Avenir Développement, holding de Nethys.
Sauf que, les 66% restant, restent détenus par les salariés du journal par l’intermédiaire d’une SCIC, une coopérative montée en 2014 sur la base d’un investissement de leur treizième mois.
Ce qui est reproché à Xavier Niel, c’est tout d’abord la conclusion d’un supposé pacte d’actionnaires intervenu entre lui et Nethys ; situation complexe qui laisse présumer une seule issue judiciaire au conflit qui vient de voir le jour.
C’est donc dans un climat extrêmement tendu que les 456 salariés actionnaires du groupe de presse réunis en Assemblée Générale, ont voté à 60 % en faveur du rachat de leurs parts par Iskandar Safa, d’ores et déjà propriétaire de « Valeurs actuelles ».
Au cœur de la bataille : l’avenir économique et social du quotidien régional.
Cette bataille serait hautement préjudiciable quant au devenir du titre régional dont la trésorerie est actuellement assez mince et qui n’échapperait pas de ce fait, à la mise en place d’une procédure collective sous la forme d’un redressement judiciaire .
Cette situation ne semble cependant pas effrayer pour le moins le challenger évincé de l’accord intervenu entre Xavier Niel et Nethys, qui s’est porté garant des frais engendrés par une éventuelle procédure, assurément catastrophique tant au niveau économique qu’au niveau social.
Iskandar Safa bénéficie quant à lui, de deux soutiens majeurs : celui de Jean-Marc Pastorino, PDG de Nice- Matin mais aussi celui de la CGT du livre, dont l’influence n’est pas négligeable auprès des personnels techniques et administratifs du journal.
De son côté, Xavier Niel est assuré du soutien des journalistes du quotidien, qui lui ont accordé 94% de leurs voix.
Un manque de clarté quant à ses véritables intentions formulé à l’encontre de Xavier Niel.
Il est formulé plusieurs réceiminations dans le cadre de cette prise de participation.
Tout d’abord, un manque de limpidité. Argument en partie éludé lors de la visite de Xavier Niel lundi dernier dans les locaux de Nice-Matin, à la veille du lancement de la 5G en principauté monégasque et la publication d’une lettre ouverte aux vertus explicatives.
Dans cette lettre, plusieurs engagements :
- Une somme de 10 millions d’euros proposée à la coopérative pour le rachat de ses parts ;
- La garantie de ne procéder à aucun licenciement contraint ;
- Un investissement de 20 millions d’euros dans l’entreprise, outre 12 millions consacrés à l’apurement de son passif.
Cet ensemble de propositions n’a pas semblé être suffisant pour peser dans la balance.
En marge de ce « manque de transparence » il lui est reproché de jouer un jeu politique à quelques encablures des élections municipales de 2020 et l’évocation d’un possible soutien sibyllin à Christian Estrosi, Maire de Nice, dans la lutte fratricide l’opposant à Éric Ciotti, supposé soutenu par Iskandar Safa.
Cette hypothèse a été balayée d’un revers de la main par Xavier Niel qui a affirmé ne pas vouloir entrer dans un éventuel coup de Jarnac stratégique.
Une situation alambiquée et sulfureuse, qui risque d’être préjudiciable à Nice-Matin dont la trésorerie ne permettra sans doute pas la poursuite sereine d’une activité au delà du mois de décembre 2019.