Les rivalités géopolitiques représentent des enjeux économiques colossaux et par conséquent, la stratégie de Donald Trump visant à taxer jusqu’à 100 % les puces produites en Asie du Sud-Est, et en particulier à Taïwan par le géant TSMC, suscite autant d’enthousiasme que d’inquiétude. Alors que l’administration Biden misait sur des crédits d’impôt pour rapatrier une partie de la production de semi-conducteurs sur le sol américain, Trump mise résolument sur l’imposition douanière, une arme commerciale qui, bien que potentiellement dissuasive, comporte des risques majeurs.
Un passé industriel en déclin
Au cours des trente dernières années, l’industrie américaine des semi-conducteurs a connu un recul spectaculaire. En 1990, les États-Unis produisaient près de 40 % des puces mondiales, une position aujourd’hui déchue à moins de 10 %.
Cette perte de souveraineté industrielle s’explique en grande partie par la décision stratégique des champions américains tels que Nvidia, Qualcomm, AMD ou Micron de sous-traiter la production à l’étranger, notamment en Asie du Sud-Est, pour se concentrer sur la conception.
La domination de Taïwan, en particulier dans le segment des puces les plus avancées utilisées dans les technologies d’intelligence artificielle, rend la situation d’autant plus préoccupante pour Washington.
La stratégie tarifaire de Trump : un coup de poker économique
Le recours aux tarifs douaniers par Trump vise à rendre économiquement moins attractif l’import de semi-conducteurs fabriqués en Asie, incitant ainsi les entreprises à rapatrier leur production. En théorie, une taxe pouvant atteindre 100 % sur les puces importées créerait un environnement favorable à la relocalisation industrielle, renforçant la sécurité technologique nationale.
Toutefois, ce levier économique est loin d’être sans conséquence. En effet, les tarifs élevés risquent de déclencher des représailles commerciales, d’aggraver les tensions avec des partenaires stratégiques et de perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales déjà fragilisées par la concurrence et la montée en puissance de la Chine.
Des risques géopolitiques
L’imposition d’un tel dispositif n’est pas anodine. D’un côté, elle pourrait contribuer à dynamiser l’industrie nationale et réduire la dépendance aux fournisseurs étrangers. De l’autre, elle pourrait également compromettre l’accès aux technologies de pointe, essentielles pour les secteurs stratégiques de l’économie américaine.
La quasi-monopole de TSMC sur la production des puces destinées aux applications de l’IA et autres technologies émergentes représente un gage de performance, mais aussi une vulnérabilité en cas de rupture des relations commerciales. Par ailleurs, une politique tarifaire agressive pourrait encourager les alliés traditionnels des États-Unis à diversifier leurs partenariats, renforçant ainsi l’essor de concurrents asiatiques ou européens.
Vers un équilibre incertain
Si l’idée de rapatrier la production de semi-conducteurs reste séduisante sur le papier, la mise en œuvre d’une telle politique tarifaire soulève de nombreuses questions. Le pari est risqué, tant sur le plan économique que géopolitique. La tentation d’utiliser les tarifs douaniers comme levier de relocalisation industrielle doit être tempérée par la nécessité de préserver des relations commerciales stables et de garantir la continuité des approvisionnements en technologies essentielles.
En outre, une stratégie unilatérale pourrait fragiliser la compétitivité des entreprises américaines dans un marché globalisé, où l’innovation repose sur des chaînes de valeur internationales complexes.
Si la volonté de renforcer la souveraineté technologique des États-Unis demeure un objectif légitime, le recours à des tarifs douaniers exorbitants pour taxer les puces taïwanaises représente un pari à haut risque. Les retombées potentielles sur les relations internationales et sur l’ensemble de la chaîne industrielle appellent à une réflexion approfondie et à une concertation étroite avec les partenaires économiques pour éviter de compromettre la compétitivité d’un secteur déjà fragilisé.