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Le financement du cinéma français par Disney : la fausse bonne idée ?

Disney+

Lorsque Disney a annoncé avoir trouvé un terrain d’entente avec les organisations professionnelles du cinéma pour financer davantage d’œuvres françaises, nombre d’acteurs de la filière ont salué la nouvelle. D’après cet engagement, la firme américaine pourrait bientôt diffuser ses longs-métrages seulement neuf mois après leur sortie en salle sur Disney+, au lieu des dix-sept mois habituels.

Pour parvenir à ce résultat, la multinationale a promis de tripler son investissement annuel dans la production nationale. En apparence, l’opération a tout d’un deal gagnant-gagnant : d’un côté, Disney accroît la valeur ajoutée de son catalogue en rendant plus vite accessibles des films récents ; de l’autre, le cinéma local en retire des fonds supplémentaires, précieux à une époque où les coûts de production ne cessent d’augmenter.

Le spectre de l’affaiblissement de Canal+

Toutefois, en arrière-plan, cet accord suscite déjà la méfiance. Canal+, qui demeure historiquement le plus grand pourvoyeur de fonds du septième art tricolore, menace ouvertement de revoir à la baisse ses efforts. Si la chaîne cryptée se sent désormais moins prioritaire, du fait de la percée de Disney dans la chronologie des médias, elle pourrait se délester d’une partie de son rôle de mécène.

Actuellement, Canal+ injecte plus de 200 millions d’euros par an, ce qui représente une somme bien supérieure à toute autre contribution dans le domaine. Il est permis de craindre que, si la chaîne revoit ses versements à la baisse, le solde final à disposition du cinéma français ne soit pas aussi rehaussé que prévu.

L’exemple du football français : une mise en garde

La situation rappelle curieusement les mésaventures du football tricolore. Dans un passé récent, l’arrivée d’un nouvel investisseur comme Mediapro, puis la montée en puissance d’Amazon, avaient fait miroiter aux clubs un avenir radieux et des rentrées financières sans précédent.

Pourtant, les promesses se sont parfois avérées trompeuses, aboutissant à des crises de trésorerie et des contrats résiliés à la hâte. Dans ce parallèle, la multiplication des offres sur le marché du divertissement ne garantit pas toujours une stabilité à long terme.

Il suffit qu’une plateforme décide soudainement de concentrer son budget sur un autre marché, ou de revoir ses conditions, pour qu’une filière entière se retrouve en difficulté.

Le risque d’une standardisation des productions

Par ailleurs, la montée en puissance de Disney dans la création française ne va pas sans poser la question de la diversité des œuvres. Certes, l’accord prévoit la participation à au moins 70 films aux budgets variés. Mais la firme américaine, soucieuse de rentabilité, pourrait privilégier un certain type de productions calibrées pour toucher le plus large public possible.

Au risque de laisser dans l’ombre des projets plus singuliers, moins grand public, mais essentiels pour la vitalité culturelle. Ainsi, même si le renforcement de l’investissement de Disney semble positif à court terme, il est légitime de s’interroger sur la pérennité de cet équilibre, où le diffuseur conserve le pouvoir de décider du genre et du profil financier des films soutenus.

Un vent d’optimisme… tempéré

En définitive, l’annonce d’un nouvel argentier pour le cinéma français n’est pas, en soi, une mauvaise nouvelle. Les salles obscures et les producteurs ont en effet besoin d’acteurs prêts à miser sur des créations locales, face à la rude concurrence internationale. Toutefois, la décision de Canal+ de potentiellement alléger son enveloppe pourrait briser l’embellie promise.

Comme l’a montré l’exemple du football, un investissement extérieur, aussi massif soit-il, n’assure pas systématiquement la prospérité à long terme. Pour que la magie Disney opère vraiment, il faudra s’assurer que l’implication du géant du divertissement s’inscrive dans la durée et ne se fasse pas au détriment des autres piliers du financement.

Or la menace qui plane sur les financements historiques rappelle que tout déséquilibre soudain peut conduire à un paysage moins diversifié, voire fragilisé. Ce serait alors une « fausse bonne idée » pour le 7ᵉ art français.

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