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DAZN : le Sénat appelle à une réforme profonde de la gouvernance du football professionnel français

Un rapport accablant de la commission d’enquête sénatoriale sur la gouvernance du football professionnel en France, publié le 30 octobre, met en lumière les « dysfonctionnements profonds » et la « vision court-termiste » des dirigeants du secteur. Après une soixantaine d’auditions auprès des principaux acteurs du football français, les sénateurs Laurent Lafon (UDI) et Michel Savin (LR) proposent des réformes radicales pour refonder le fonctionnement de la Ligue de football professionnel (LFP), de ses dirigeants, et des relations financières entre clubs.

Des critiques sévères sur la gestion et la financiarisation du football français

Intitulé « Football business, stop ou encore ? », le rapport sénatorial de 130 pages, adopté à l’unanimité, critique la financiarisation excessive et la gestion opaque de la LFP, des clubs, et de leurs relations avec les fonds d’investissement. Laurent Lafon a déclaré : « Des erreurs de gestion se perpétuent, sans que les leçons du passé soient tirées, ce qui témoigne de dysfonctionnements bien ancrés. » Parmi les cibles principales, Vincent Labrune, président de la LFP, est vivement critiqué, notamment pour sa récente augmentation de salaire – passée de 420 000 à 1,2 million d’euros par an, avant d’être partiellement réajustée. Les sénateurs proposent d’ailleurs de plafonner les salaires des présidents de ligues professionnelles, à l’instar des entreprises publiques, avec un plafond fixé à 450 000 euros.

Un « deal » controversé avec CVC Capital Partners

Les sénateurs se montrent également sceptiques quant à l’accord signé en 2022 entre la LFP et le fonds d’investissement CVC Capital Partners, qui a injecté 1,5 milliard d’euros dans le football français en échange de 13 % des revenus commerciaux des ligues à vie. Laurent Lafon et Michel Savin dénoncent une stratégie court-termiste motivée par des gains financiers immédiats pour les clubs, sans véritable réflexion sur les conséquences à long terme. Pour limiter de tels accords, la commission recommande de séparer les activités commerciales de la LFP de celles de ses filiales, renforçant ainsi le contrôle démocratique des décisions financières de grande envergure.

Vers plus de transparence et d’inclusion de l’encadrement et de la gouvernance

Pour combattre l’entre-soi au sein des organes décisionnels du football français, les sénateurs préconisent l’instauration d’un minimum de cinq administrateurs indépendants dans les ligues professionnelles. Ils proposent aussi d’inclure un représentant des supporters, avec voix consultative, au sein des assemblées générales et des conseils d’administration de la LFP. « Le sport ne peut pas rester aux mains de quelques-uns », a affirmé Michel Savin, insistant sur l’importance de rendre les instances sportives plus inclusives et transparentes.

De plus, la commission souhaite interdire le cumul des fonctions entre un poste au conseil d’administration de la LFP et une fonction dans une entreprise de diffusion de contenu sportif. Cette proposition vise particulièrement Nasser Al-Khelaïfi, président du Paris Saint-Germain et directeur de beIN Sports, accusé de conflits d’intérêts en raison de ses fonctions cumulées. Al-Khelaïfi, qui n’a pas répondu aux convocations de la commission, est un exemple de ces positions jugées problématiques par les sénateurs.

Renforcement des contrôles et régulation des reprises de clubs

Face à la prédation de certains fonds d’investissement qui rachètent des clubs sans s’impliquer sur le long terme, le rapport sénatorial recommande de renforcer les pouvoirs de la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion), l’organe de contrôle financier des clubs. La commission propose de donner à la DNCG un pouvoir de blocage des rachats de clubs qui ne garantiraient pas des engagements financiers durables, afin de protéger le football français de pratiques spéculatives et de préserver la stabilité des clubs.

Une redistribution équitable et des mesures contre le piratage ? oui mais quand ?

Les sénateurs s’attaquent également aux inégalités financières entre clubs professionnels, prônant une « répartition équitable des ressources » issues des recettes commerciales, avec un ratio de distribution maximum de 1 à 3 entre les clubs les plus riches et les autres. Cette proposition, saluée par le président du club du Havre, Jean-Michel Roussier, vise à corriger le déséquilibre actuel qui favorise les clubs les plus puissants au détriment des plus petits.

Enfin, le rapport se penche sur la prolifération du piratage des retransmissions sportives, qui fragilise l’économie du football en réduisant les revenus des droits TV. Les sénateurs proposent de créer un « délit de piratage sportif » avec des sanctions renforcées, ainsi qu’un blocage en temps réel des adresses IP diffusant illégalement les matchs de Ligue 1, notamment via les plateformes comme Telegram et les services IPTV. Par ailleurs, la commission suggère d’augmenter le prélèvement sur les paris sportifs en ligne et de rediriger ces fonds vers le ministère des Sports et l’Agence nationale du sport (ANS).

Réactions et perspectives : un agenda de réforme attendu

Les propositions de la commission sénatoriale soulignent l’urgence d’une refonte structurelle pour un football français plus équitable, transparent, et durable. Jean-Michel Roussier, président du Havre, a déclaré : « J’espère que le football professionnel et les pouvoirs publics s’engageront sur cet agenda de réforme. » La mise en œuvre de ces mesures pourrait prévenir ce que les sénateurs appellent « la faillite du siècle » pour le football français, en rétablissant la crédibilité et la viabilité d’un secteur fragilisé par des décisions court-termistes et des pratiques contestables.

Le rapport sénatorial devrait susciter un débat au sein de la Chambre haute, et pourrait aboutir à une proposition de loi transpartisane pour réformer la gouvernance du football professionnel en France, répondant ainsi aux attentes des clubs, des supporters, et des acteurs économiques du sport.

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