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DAZN et l’explosion du piratage : comment la Ligue a savonné la planche au Netflix du sport

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C’est presque un cas d’école. Début août, DAZN a annoncé les tarifs pour suivre les matchs de la Ligue 1 : 29,99 euros par mois avec un engagement d’un an, ou 39,99 euros par mois sans engagement. Toutefois, ces abonnements ne permettent de regarder que huit des neuf matchs en direct. Pour accéder au dernier match, il faut souscrire à un abonnement supplémentaire à BeIN Sports, ajoutant 15 euros par mois.

Des options moins coûteuses existent, comme l’offre de Super Sports à 14,99 ou 19,99 euros par mois selon la durée d’engagement. Cependant, ces abonnements ne permettent de visionner qu’un match de Ligue 1 par jour, sans possibilité de choisir lequel. Cette restriction importante est un frein pour de nombreux amateurs de football.

Les professionnels, notamment les bars, sont également touchés par ces tarifs élevés. Selon Le Parisien, l’offre de base pour les bars est proportionnelle au nombre d’écrans, coûtant par exemple 218 euros par mois pour deux télévisions.

Dans une interview avec l’Équipe, Shay Segev, le directeur général de DAZN, a récemment défendu ces tarifs en affirmant que « 29,99 euros par mois est un juste prix » et que « le consommateur doit comprendre qu’il ne paye pas DAZN, mais la Ligue et les clubs ». Cependant, cette justification ne semble pas convaincre les amateurs de football, et DAZN espère tout de même atteindre 1,5 million d’abonnés en six mois.

Face à ces tarifs élevés, le recours au piratage a augmenté de manière prévisible. Le Parisien rapportait il y a quelques jours, que «avant même le coup d’envoi, certaines chaînes illégales sur Telegram regroupaient déjà plus de 45 000 téléspectateurs en direct », un chiffre atteignant les 90 000 pendant la seconde période du match. En combinant avec d’autres groupes Telegram, on estime entre 150 000 et 200 000 personnes qui ont regardé illégalement la première rencontre de la saison de Ligue 1, sans compter les utilisateurs d’IPTV. Selon Le Monde, un administrateur de chaîne Telegram a observé « un stream avec plus de 100 000 spectateurs » le samedi 17 août.

Mais pourquoi Telegram ?

Telegram est devenu un outil populaire pour le piratage de contenus sportifs en raison de ses caractéristiques et de ses réponses tardives aux demandes de suppression de contenu. Comme l’a souligné la Ligue professionnelle de football « sur Telegram, toutes les diffusions illicites sont notifiées par notre prestataire antipiratage Athletia. Le problème est que les délais de réponse de Telegram peuvent atteindre jusqu’à 24 heures, ce qui est incompatible avec un retrait rapide de contenus diffusés en direct ». Telegram, de son côté, affirme que ses « délais de réaction aux demandes sont tout à fait dans la norme du secteur », se défendant ainsi des accusations de lenteur.

L’IPTV connaît également un regain d’intérêt parmi les consommateurs cherchant à contourner les coûts élevés des abonnements légaux. Le procédé est simple : l’utilisateur achète un boîtier HDMI et s’abonne à un service illégal pour une dizaine d’euros par mois, ce qui lui permet d’accéder à des centaines, voire des milliers de chaînes, incluant la Ligue 1, la Premier League, et même des services de streaming comme Netflix, Disney+, et Amazon Prime Video.

Or, les tarifs élevés ne dissuadent pas seulement les particuliers mais aussi de nombreux bars et restaurants. Beaucoup tournent le dos à DAZN et se tournent parfois vers des solutions illégales pour diffuser les matchs de Ligue 1.

Un sentiment de frustration grandissant

Le mécontentement des consommateurs ne semble pas près de s’apaiser. DAZN doit rentabiliser ses investissements, mais les utilisateurs se sentent de plus en plus pris pour des vaches à lait. Cette frustration est accentuée par le lancement au Royaume-Uni et en Irlande d’un abonnement permettant de regarder l’intégralité du championnat pour seulement 9,90 livres par mois (soit environ 11,80 euros), un prix nettement inférieur aux tarifs pratiqués en France, comme le souligne RMC Sports.

En s’engageant dans cette voie, la Ligue 1 a, de fait, ouvert la porte à la contrebande numérique, tout en aliénant une partie de son public fidèle. La colère des consommateurs face à des tarifs perçus comme exagérés ne fait qu’accroître le sentiment de déconnexion entre les instances dirigeantes du football et les amateurs de ballon rond.

Avec des offres plus attractives dans d’autres pays, comme le prouve l’exemple britannique, il est clair que la stratégie de prix pratiquée en France va nécessiter une révision urgente. Pour regagner la confiance de ses spectateurs, la Ligue 1 devra de toute urgence réévaluer sa politique de diffusion et considérer des modèles plus inclusifs et accessibles, sous peine de voir le piratage continuer à prospérer et les abonnements légaux stagner.

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