La chronologie des médias est à nouveau sous les projecteurs et, à vrai dire, ce n’est guère surprenant dans un marché du streaming chaque jour plus concurrentiel. Entre la montée en puissance de Canal+ et l’arrivée remarquée des grands noms du streaming – Disney+, Amazon Prime Video ou encore Netflix – la bataille pour obtenir la meilleure fenêtre de diffusion fait rage, et chacun tente de tirer le meilleur parti d’accords négociés avec la filière du cinéma.
Un équilibre précaire dans un marché qui bouscule les lignes constamment
Comme souvent, c’est Canal+ qui ouvre le bal : la chaîne cryptée s’apprête à signer un nouvel accord avec les organisations Blic, Bloc et Arp. La proposition table sur un investissement moyen de 160 millions d’euros par an pendant trois ans et, en contrepartie, Canal+ conserve une fenêtre de diffusion à six mois.
Au-delà des montants et des mois, l’intérêt pour la chaîne cryptée est clair : conserver son rang de diffuseur prioritairesur le cinéma, tout en consolidant sa place vis-à-vis des plateformes de SVOD. L’accord lui garantit de devancer Disney+ (fenêtre à neuf mois) et de maintenir la pression sur Netflix, qui stagne actuellement à 15 mois.
Le cas Prime Video : des négociations sous tension
Amazon Prime Video, elle, n’entend pas rester les bras croisés. Des discussions seraient en cours, potentiellement pour aboutir à une fenêtre de 15 mois. Ni aussi avantageuse que celle de Disney+, ni trop défavorable, elle la placerait au même niveau que Netflix.
En interne, on imagine bien qu’Amazon voit plus loin : le géant du e-commerce dispose d’une force de frappe indéniable et l’attrait d’un bouquet “Prime” plus large que le simple streaming (livraison rapide, musique, livres numériques, etc.) pourrait peser dans la balance. Avec un catalogue qui s’étoffe et une multiplication des productions originales, la plateforme d’Amazon cherche à trouver le compromis idéal pour grignoter des parts de marché au leader Netflix, tout en affirmant une position quasi incontournable pour les amateurs de cinéma et de séries.
Netflix sur la réserve ?
La plateforme au grand N se retrouve, pour l’instant, dans une posture attendiste. Elle occupe déjà le devant de la scène en matière de part de marché, mais cette confortable avance est menacée par l’offensive d’autres acteurs. Disney a cassé les codes en obtenant une fenêtre à neuf mois, un privilège très remarqué pour un service purement SVOD.
Netflix, de son côté, devrait logiquement demander à prolonger son accord actuel, maintenant ainsi ses 15 mois. Mais cela suffira-t-il à maintenir son avantage concurrentiel ? Dans un univers d’innovations techniques dense (qualité des flux, personnalisation des recommandations, offres groupées avec d’autres services…), la chronologie des médias ne se joue pas seulement sur la date de diffusion, mais aussi sur la capacité à séduire toujours plus d’abonnés, à travers des exclusivités et des titres inédits.
En toile de fond : la montée en puissance de Canal+ et l’arbitrage délicat de la filière
Si l’on prend un peu de recul, la question centrale réside dans l’équilibre à trouver entre les différents acteurs : chaînes historiques, plateformes de streaming établies ou nouvelles venues ambitieuses. Canal+, en parvenant à sécuriser son accord et sa fenêtre à six mois, prouve sa volonté de rester la référence en matière de cinéma à la télévision. L’opérateur historique n’hésite pas à mettre en avant des engagements financiers conséquents pour s’imposer face à des services en ligne qui redoublent d’agressivité commerciale.
Pour les plateformes étrangères, c’est un défi technique et commercial : investir suffisamment pour s’aligner sur les exigences de la filière cinéma française (financement, diffusion, promotion des œuvres) tout en soignant leur image pour capter et fidéliser un public exigeant.
Un marché en recomposition permanente
La chronologie des médias, souvent critiquée pour son manque de souplesse, est en train de s’assouplir sous la pression conjuguée des acteurs historiques et des plateformes de streaming. Chacun avance ses pions et peaufine sa stratégie, sachant que la bataille dépasse le simple cadre français : l’Europe, et même le monde, observent de près ces négociations, car l’Hexagone s’avère souvent pionnier dans la réglementation de l’audiovisuel.
Pour autant, dans un contexte où la concurrence se renforce, d’autres surprises sont à prévoir : nous pourrions voir surgir de nouveaux ajustements, de nouvelles alliances stratégiques et des partenariats inattendus. Le streaming n’a pas fini de modifier nos habitudes de consommation culturelle, et la chronologie des médias va continuer, comme elle le fait depuis des années, à chercher ce fragile compromis entre soutien à la création et appétit insatiable des géants du numérique.
En attendant, l’actualité reste bouillonnante : les accords Canal+ et Prime Video pourraient être officialisés dans les tout prochains jours. Preuve, s’il en fallait encore, que la rivalité s’intensifie sur un marché désormais clé pour l’avenir du divertissement et du cinéma français.