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Canal+ et Disney : le bras de fer sur le financement du cinéma s’intensifie

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@Canal+

La récente signature d’un accord permettant à Disney+ de proposer des films seulement neuf mois après leur sortie en salle fait plus que bouleverser la chronologie des médias. Elle met aussi en lumière la rivalité grandissante entre Canal+ et la firme américaine, alors que jusqu’ici, la chaîne cryptée jouissait d’une fenêtre de diffusion privilégiée (six mois) en échange d’un soutien massif à la production nationale.

Les derniers propos de Maxime Saada, président du directoire de Canal+, résonnent désormais comme un avertissement : l’opérateur historique menace de revoir à la baisse un investissement qui atteint aujourd’hui près de 220 millions d’euros annuels.

Un déséquilibre de financement dénoncé

Selon Maxime Saada, Disney ne débourserait que 35 millions d’euros par an pour accéder à cette nouvelle fenêtre de diffusion à neuf mois. En face, Canal+ verserait 220 millions, un montant plus de deux fois supérieur à ses obligations légales (estimées aux alentours de 100 millions). De fait, la proportion de l’effort déployé par la chaîne cryptée est perçue comme excessivement élevée par rapport à la contribution de Disney dans la filière française. Cette disparité alimente un sentiment d’injustice et souligne, aux yeux de Canal+, l’urgence d’une réévaluation des règles du jeu.

Le risque de scission du modèle Canal+

Pour appuyer son discours, Saada agite la menace d’un démantèlement partiel : séparer le cinéma et le sport, deux piliers de l’offre Canal+. Un tel schéma aurait pour conséquence de réduire mécaniquement les obligations de l’opérateur en matière de financement du cinéma, passant à environ 50 millions d’euros annuels. Par rapport aux 220 millions investis aujourd’hui, le choc serait rude pour le secteur hexagonal. Derrière cette stratégie, on devine la volonté d’exercer une pression sur la filière et sur les pouvoirs publics, en rappelant combien l’apport de Canal+ demeure central pour la pérennité de nombreuses productions.

Le divorce déjà entamé entre Canal+ et Disney

Au-delà des sommes en jeu, ce nouvel épisode s’inscrit dans une relation tendue. Déjà, Disney a préféré mettre fin à son accord de distribution avec Canal+ pour pousser sa plateforme Disney+ en direct. La décision d’exclure certaines chaînes du bouquet TNT, à compter de juin, traduit également la volonté de Canal+ de repenser sa stratégie de diffusion et de se rendre plus agile. Dans ce contexte, la signature de l’engagement de Disney à investir 25 % de son chiffre d’affaires net en France, tout en décrochant une fenêtre à neuf mois, vient accroître la méfiance de la chaîne cryptée.

L’impact sur le paysage audiovisuel français

Derrière ces joutes économiques et réglementaires, la question fondamentale est celle de l’équilibre du financement du cinéma national. L’implication de Disney dans la création française — qu’il s’agisse de productions, coproductions ou investissements ciblés — reste à évaluer sur la durée. Par ailleurs, la dépendance d’une partie de l’industrie à la contribution de Canal+ demeure prégnante, comme l’atteste l’engagement colossal de 220 millions d’euros dont se targue l’opérateur historique. Si ce soutien venait à décroître brutalement, certains projets, notamment ceux au budget intermédiaire, pourraient subir un coup d’arrêt.

Un nouvel accord qui n’apaise pas les tensions

À peine signé, l’accord permettant à Disney+ de réduire son délai de diffusion suscite donc l’inquiétude. Les observateurs se demandent si Canal+ assumera effectivement ses menaces ou si elles relèvent d’une posture de négociation, destinée à obtenir des compensations ailleurs (que ce soit en termes de publicité, de partenariats ou de clauses plus favorables). En tout état de cause, la mise en place d’une fenêtre à neuf mois pour Disney+ accélère la redistribution des cartes dans la chronologie des médias. Les salles de cinéma pourraient y voir un risque d’érosion plus rapide de la fréquentation, pendant que la concurrence dans le streaming s’en retrouve encore attisée.

Pour l’instant, la balle est dans le camp de Canal+, qui doit officialiser ou non sa baisse de financement. L’impact sur l’écosystème audiovisuel français serait considérable, ce qui soulève la question d’un éventuel nouveau dispositif de régulation. À l’heure où les plateformes négocient durement leur place, chaque acteur cherche à préserver ses intérêts.

La suite dépendra sans doute de la fermeté de Maxime Saada et de la volonté politique d’organiser un compromis, sous peine de mettre en péril un système de financement pourtant essentiel à la diversité culturelle.

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