Salto (ou OTT) c’est un peu l’alliance consacrée de M6, France Télévisions et Tf1 désormais lancée, afin, principalement de contrecarrer Netflix, Amazon Prime, Disney et Apple aux contenus particulièrement attractifs.
Sauf que si l’on regarde des conditions d’élaboration du projet, celui se révèle plus périlleux que prévu.
Un échauffement de longue durée.
Le projet était en chantier depuis au moins le printemps 2018 et générait depuis lors quelques inquiétudes du côté de Molotov, principal concurrent mais également chez Free.
L’avantage principal du système ? : aucun engagement ne serait imposé à l’abonné et l’application serait disponible sur smartphone, tablette, via internet ou sur un poste de télévision classique, permettant un accès en live à l’ensemble des chaînes disponibles des trois groupes ainsi qu’aux services associés (replay, start over, etc …)
L’objectif avancé ? participer à la création télévisuelle en France comme en Europe.
Malgré l’enthousiasme que l’annonce devrait générer, il reste en suspend deux inconnues.
En terme de contenu, tout d’abord, la plateforme propose une offre d’environ 13 chaînes et permet l’accès aussi bien au direct qu’au contenu en streaming (cinéma, magazines d’information, journaux télévisés …) pour un prix qui n’est pas encore officiel mais qui devrait, selon l’annonce qui en est faite, défier toute concurrence.
Un tarif entrée de gamme environ 5€ moins cher que celui des abonnements identiques d’ores et déjà sur le marché, est avancé mais demeure pour le moment encore nébuleux.
Deuxième inconnue : la date de lancement, probablement fixée d’ici la fin de l’année ainsi que précisé par Delphine ERNOTTE pour France Télévisions.
A première vue, une alliance qui devrait encourager la création française et européenne, ce qui est, malgré tout, salué aujourd’hui après cette annonce.
Sauf que le projet ne séduit pas tout le monde. Et pour cause.
Un lancement considéré comme néfaste à court terme par la concurrence Free et Molotov.
Au premier rang des pourfendeurs du système, Free qui a adressé à l’Autorité de la concurrence, une lettre dont les termes n’ont pas manqué d’interpeler sur ce que l’opérateur considère l’émergence d’un véritable « cartel vis-à-vis des distributeurs ».
Pour mémoire, cela fait maintenant deux ans que Free TF1 et M6 se sont livrés à une bataille sans précédent ; l’opérateur refusant de se soumettre au versement des droits revendiqués, représentant une manne commerciale évaluée entre 45 et 50 millions d’euros par année pour TF1 et moitié moins pour M6.
Free voit dans la création de Salto, une situation de monopole non dissimulée, verrouillant « solidement l’accès aux chaînes françaises » en s’arrogeant environ 80% de l’audience.
Des garanties oui mais considérées comme factices.
Pour contrebalancer l’argument, TF1 et M6 s’engagent à garantir un accès non priorisé et à appliquer une politique de tarification qui laisse une place à la concurrence.
Autre détail : la création d’une société indépendante des structures d’ores et déjà existantes, à l’abri des actionnaires.
Garanties balayées d’un revers de la main par Free qui y voit un artifice supplémentaire le privant de toute négociation ultérieure mais également Molotov, plateforme particulièrement impactée par le lancement de Salto qui craint surtout à terme, des conséquences particulièrement néfastes sur les tarifications pratiquées, au détriment du consommateur voire l’abolition d’un accès à la télévision gratuit et pour tous.
Un avis qui ne peut qu’être unanime pour deux raisons objectives : Molotov est toujours en conflit ouvert avec TF1 qui n’a pas souhaité renouvelé le contrat de diffusion qui les liait et auquel la chaîne a mis un terme le 30 juin dernier et Xavier Niel ne s’est pas retiré de l’éventuel projet d’augmentation du capital de cette dernière société via son fonds d’investissement Kima Ventures NJJ.
Un enthousiasme modéré de la part de l’ensemble des acteurs concurrentiels.
Du côté des autres opérateurs, le sentiment est plus mitigé et la problématique principale soulevée demeure dans un lissage de la tarification, quelque soit l’opérateur et sans préjudice de quiconque.
Orange se veut rassurant, Bouygues feint d’ignorer la difficulté ce qui est peut surprenant vu qu’il s’agit d’une filiale appartenant au même groupe que TF1 et SFR ne commente pas, le Groupe de Patrick Drahi étant lui-même en situation délicate avec Free concernant la rémunération de BFM.
Autant d’écueils et d’a priori à surmonter pour Salto qui laisse planer une ombre hégémonique en engendrant situation particulièrement délicate en termes de concurrence et dont seul Netflix, fort de ses 5 millions d’abonnés, devrait se sortir réellement victorieux.