Le Digital Services Act (DSA) s’apprête à accueillir un nouvel acteur de taille : WhatsApp. Selon les derniers chiffres, les chaînes de messagerie de l’application de Meta ont dépassé les 46,8 millions d’utilisateurs mensuels dans l’Union européenne au second semestre 2024, franchissant ainsi le seuil des 45 millions requis pour être classé comme Very Large Online Platform (VLOP). Ce changement pourrait avoir des conséquences majeures, non seulement pour Meta, mais aussi pour l’avenir de la régulation des messageries en ligne.
WhatsApp devient un réseau social aux yeux de l’UE
Jusqu’à présent, WhatsApp échappait aux réglementations les plus strictes du DSA, car il était considéré comme une messagerie privée. Cependant, avec l’ajout des chaînes WhatsApp en 2023, le service a élargi son périmètre. Ces chaînes permettent aux utilisateurs de suivre des mises à jour publiques d’organisations ou de personnalités, une fonctionnalité qui se rapproche davantage d’un réseau social que d’un simple service de messagerie chiffrée.
La Commission européenne a confirmé que cette nouvelle fonctionnalité justifie une réévaluation du statut de WhatsApp. Si l’application est officiellement désignée comme VLOP, elle devra se conformer aux obligations imposées aux géants du numérique comme Facebook, Instagram, YouTube, X (ex-Twitter), TikTok ou encore l’App Store et le Play Store. Parmi ces obligations , certaines sont fondamentales comme :
- Renforcer la protection des consommateurs et leurs droits fondamentaux.
- Empêcher la diffusion de contenus illégaux, y compris la désinformation et les discours haineux.
- Garantir une transparence accrue sur les algorithmes et la modération de contenu.
En d’autres termes, WhatsApp devra mettre en place des garde-fous similaires à ceux des réseaux sociaux traditionnels, sous peine de sanctions financières lourdes.
Un dossier à forte dimension politique
L’inscription de WhatsApp sur la liste des VLOP n’est pas seulement une décision technique, elle est devenue hautement politique. Alors que l’Union européenne cherche à renforcer son cadre réglementaire pour lutter contre la désinformation et les abus en ligne, les tensions avec les États-Unis montent.
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et la présence remarquée de J.D. Vance, son vice-président, lors de la conférence sur la sécurité de Munich, ont changé la donne. Vance a critiqué frontalement l’UE, accusant ses régulateurs de censurer la libre expression et de freiner l’innovation, notamment en matière d’intelligence artificielle. Cette posture américaine se heurte directement aux ambitions européennes qui, au contraire, cherchent à encadrer fermement les grandes plateformes numériques.
Face à cette bataille d’influence, Meta adopte une position ambiguë. D’un côté, l’entreprise s’efforce de se rapprocher du pouvoir américain et d’entretenir de bonnes relations avec l’administration Trump. De l’autre, elle menace régulièrement Bruxelles, allant jusqu’à suggérer un possible retrait de certains services en Europe si la régulation devenait trop contraignante. L’inclusion de WhatsApp dans le périmètre du DSA pourrait donc raviver les tensions entre Meta et l’UE.
Quelles conséquences pour WhatsApp et ses utilisateurs ?
Si WhatsApp devient officiellement une VLOP, seules ses chaînes seront concernées par la réglementation du DSA, et non les discussions privées entre utilisateurs. Cependant, cette évolution pourrait engendrer plusieurs changements majeurs pour la plateforme :
Une modération plus stricte des contenus sur les chaînes WhatsApp
Meta devra mettre en place des outils plus avancés pour détecter et supprimer les contenus illégaux ou dangereux(désinformation, incitation à la haine, etc.). Cela pourrait notamment impliquer un contrôle renforcé sur les groupes diffusant des informations à grande échelle, à l’image de ce qui existe déjà sur Facebook et Instagram.
Des obligations de transparence accrues
WhatsApp devra fournir à la Commission européenne des rapports réguliers sur ses pratiques de modération et son impact sur la circulation des informations en ligne. L’application pourrait également être contrainte de modifier ses algorithmes pour éviter de favoriser certains types de contenus jugés nuisibles.
Une pression accrue sur le chiffrement de bout en bout
L’un des grands débats à venir concerne la question du chiffrement des conversations. Si les discussions privées sur WhatsApp ne sont pas concernées par le DSA, les régulateurs européens pourraient chercher à étendre le champ d’application des règles pour inclure des obligations de surveillance sur les chaînes publiques, ce qui pourrait remettre en cause le modèle de protection de la vie privée défendu par Meta.
Une potentielle refonte des services en Europe
Meta pourrait décider d’adapter ou de limiter certaines fonctionnalités en Europe pour éviter de se plier aux nouvelles contraintes imposées par Bruxelles. L’hypothèse d’un blocage des chaînes WhatsApp en Europe n’est pas à exclure, bien que cela représenterait un revers commercial majeur pour l’entreprise.
Un tournant pour la régulation mondiale des messageries en ligne ?
L’intégration de WhatsApp dans le cadre du DSA européen pourrait faire école au niveau international. D’autres pays, notamment au sein du G7, s’inspirent déjà du modèle européen pour réguler les plateformes numériques. Si l’UE réussit à imposer ses règles à WhatsApp, cela pourrait donner un élan supplémentaire à une régulation mondiale des messageries en ligne.
Cependant, la bataille ne fait que commencer. Meta, qui jongle entre les **attentes européennes et les pressions américaines