Publiée le 17 mars 2025 par l’Informé, l’information est tombée : X.com (anciennement Twitter) a obtenu in extremis un sursis dans la procédure l’opposant à l’Agence France Presse (AFP) au sujet des « droits voisins ». Au cœur de ce bras de fer : la rémunération exigée par l’AFP pour l’exploitation de ses contenus (dépêches, photos, etc.) sur le réseau social. Retour sur les faits et sur la réglementation encadrant ces droits en France et en Europe.
Une affaire à rebondissements
D’après l’Informé, l’AFP, estimant que X.com ne lui avait pas transmis à temps les données permettant d’évaluer la valeur générée par la reprise de ses contenus, avait réclamé 266 000 euros d’astreintes pour compenser le retard. Le tribunal judiciaire de Paris, qui avait initialement ordonné à la plateforme de communiquer ces informations en juin 2024, a préféré repousser sa décision, laissant le soin aux deux parties de s’expliquer lors d’une nouvelle audience programmée mi-mai.
Juste avant la comparution, la société d’Elon Musk a finalement transmis un fichier qui recense notamment :
- Les audiences des tweets postés par l’AFP
- Les retweets et partages des contenus de l’agence
- Les revenus publicitaires générés en France sur ces publications
Aux yeux du juge des référés, ce geste tardif méritait un examen approfondi plutôt qu’une sanction immédiate. Si la plateforme échappe pour l’instant à la lourde pénalité, le dossier demeure ouvert et sera réétudié dans les semaines à venir.
Les droits voisins : un cadre européen récent
Ces démêlés s’inscrivent dans le sillage d’une directive européenne de 2019 sur le droit d’auteur, transposée en France fin 2019. Outre la protection des œuvres, ce texte crée un droit voisin pour les éditeurs et agences de presse, censé compenser la reprise de leurs articles, photos ou vidéos sur les plateformes numériques. Cette mesure répond à la crainte que des géants du web profitent de la notoriété de médias sans rémunérer leurs productions.
En pratique, les éditeurs de presse et agences sont donc en droit d’exiger une rétribution lorsqu’un moteur de recherche, un réseau social ou un agrégateur diffuse ou référence leurs contenus. Pour les professionnels de l’information, ces ressources financières sont jugées indispensables à la pérennité d’un secteur en pleine mutation.
Une régulation complexe
Si l’enjeu est clair – garantir la juste part des revenus engendrés par la réutilisation des contenus –, sa mise en œuvre se heurte à plusieurs écueils :
Tout d’abord la quantification des gains. Il s’agit en effet de mesurer précisément l’apport financier d’une dépêche ou d’un article partagé sur une plateforme est un exercice difficile.
Dans le même temps, il est requis un minimum de transparence et pour cela, les plateformes et médias doivent collaborer pour échanger des données parfois sensibles (nombre de clics, revenus publicitaires, etc.).
Enfin, les différents États membres de l’Union européenne ont transposé la directive de 2019 à leur manière, ce qui complique les négociations avec des groupes présents dans plusieurs pays.
Dans le cas de l’AFP, l’agence ne réclame pas seulement une indemnisation forfaitaire : elle exige de connaître dans le détail l’ampleur de la diffusion de ses contenus, afin d’évaluer son manque à gagner.
Des tensions accrues outre-Atlantique
l’Informé rappelle également que d’autres médias français (Le Monde, Le Figaro, etc.) ont attaqué X.com pour les mêmes motifs. De plus, le climat se crispe aux États-Unis, où la conseillère Kari Lake – proche de Donald Trump – aurait décidé d’annuler certains abonnements auprès de grandes agences, dont l’AFP. Dans ce contexte, l’issue du litige entre la plateforme d’Elon Musk et l’agence de presse française sera particulièrement scrutée, tant par les éditeurs de presse que par les régulateurs nationaux et européens.
Une suite judiciaire à surveiller de près
Si X.com a pu éviter pour l’instant de s’acquitter des astreintes, l’issue finale demeure incertaine. D’un côté, l’AFP insiste sur l’urgence à obtenir une rémunération conforme à la directive européenne. De l’autre, la plateforme défend sa démarche, arguant qu’elle a toujours agi de bonne foi.
Au-delà de ce duel, ce sont les principes de la « juste rémunération » et de la répartition de la valeur dans l’écosystème numérique qui sont en question. Le prochain rendez-vous au tribunal, prévu mi-mai, sera donc décisif : il pourrait affiner la doctrine française – et peut-être européenne – sur ces droits voisins, encore jeunes mais déjà fortement contestés par les géants du web.
Source l’Informé