Qualcomm envisage le rachat d’Intel, une acquisition qui pourrait bouleverser l’industrie des semi-conducteurs et accélérer la diversification de Qualcomm. Cependant, ce rachat comporterait des risques importants, notamment l’intégration d’une unité de fabrication de semi-conducteurs en difficulté, que Qualcomm pourrait avoir du mal à redresser ou à vendre. Les analystes estiment que cet accord, s’il se concrétise, serait soumis à un examen antitrust rigoureux à l’échelle mondiale. Une fusion de cette ampleur créerait un mastodonte des semi-conducteurs, avec une forte présence sur les marchés des smartphones, des ordinateurs personnels et des serveurs.
Les actions d’Intel ont bondi de près de 3 % après l’annonce faite par les médias quant à cet accord préliminaire. En revanche, les actions de Qualcomm ont chuté de 1,8 %, reflétant les inquiétudes des investisseurs face aux implications potentielles d’une telle acquisition.
Intel : un géant en difficulté
Autrefois leader incontesté dans le secteur des semi-conducteurs, Intel traverse actuellement l’une des périodes les plus difficiles de son histoire. L’entreprise subit des pertes importantes dans son unité de fabrication sous contrat, qu’elle développe pour rivaliser avec le géant taïwanais TSMC. La valeur marchande d’Intel est tombée sous la barre des 100 milliards de dollars pour la première fois en trois décennies, en grande partie parce qu’elle a raté l’opportunité d’investir dans l’intelligence artificielle générative, comme l’a fait son concurrent Nvidia avec OpenAI.
À titre de comparaison, Qualcomm, qui pèse environ 190 milliards de dollars, a des ressources limitées pour un rachat complet d’Intel. Fin juin, Qualcomm disposait de 7,77 milliards de dollars en espèces et équivalents de trésorerie, ce qui rendrait l’accord très dilutif pour ses actionnaires s’il devait être principalement financé par des actions.
Une diversification stratégique pour Qualcomm
Sous la direction de Cristiano Amon, Qualcomm a cherché à réduire sa dépendance au marché des smartphones en se diversifiant dans des secteurs comme l’automobile et les ordinateurs personnels. Néanmoins, le marché de la téléphonie mobile reste le cœur de son activité, un secteur qui a récemment connu des difficultés en raison de la baisse de la demande post-pandémique. Un éventuel rachat d’Intel pourrait donc être perçu comme une tentative de diversification, mais les défis associés à la gestion d’une activité de fabrication de puces sont considérables.
D’ailleurs, ce ne serait pas la première acquisition majeure tentée par Qualcomm. En 2016, l’entreprise avait proposé d’acquérir NXP Semiconductors pour 44 milliards de dollars, avant de renoncer à l’offre en 2018 après avoir échoué à obtenir l’approbation des régulateurs chinois. Cette expérience montre à quel point les obstacles réglementaires peuvent être difficiles à surmonter pour des fusions de cette ampleur.
Les enjeux de l’activité de fonderie
Alors qu’Intel conçoit et fabrique ses propres puces, Qualcomm n’a jamais exploité d’usine de semi-conducteurs. Il sous-traite la fabrication de ses puces à des entreprises comme TSMC, utilisant les conceptions d’Arm Holdings. Cette absence d’expérience dans la gestion d’une activité de fonderie pourrait être un obstacle majeur à la réussite de l’intégration de l’unité de fabrication d’Intel.
L’activité de fonderie d’Intel est en effet considérée comme extrêmement importante pour servir les ambitions de Washington et renforcer la production nationale de puces. L’entreprise a déjà reçu environ 19,5 milliards de dollars en subventions et prêts fédéraux dans le cadre de la loi CHIPS pour construire et agrandir des usines dans plusieurs États américains.
Certains analystes estiment qu’Intel préférerait des investissements extérieurs plutôt qu’une vente complète. Apollo Global Management, déjà partenaire d’Intel pour une installation en Irlande, aurait d’ailleurs proposé un investissement de 5 milliards de dollars pour soutenir l’activité de fonderie.
Un achat partiel comme alternative ?
Qualcomm pourrait aussi envisager d’acquérir uniquement certaines divisions d’Intel, comme son unité de conception de PC, plutôt que l’ensemble de l’entreprise. Selon Reuters, Qualcomm aurait manifesté un intérêt particulier pour cette division, ce qui pourrait être une option plus viable tant sur le plan financier que stratégique.
Un rachat complet d’Intel par Qualcomm pourrait également se heurter à une forte opposition des régulateurs du monde entier. L’union de ces deux acteurs majeurs des semi-conducteurs créerait un géant capable de dominer plusieurs marchés, ce qui poserait des questions sur la concurrence et le monopole.
Si cet accord venait à se concrétiser, il s’agirait du plus important de l’histoire du secteur, surpassant même l’acquisition de Xilinx par AMD ou celle d’ARM par Nvidia. La question reste de savoir si Qualcomm sera capable de surmonter les nombreux obstacles financiers, stratégiques et réglementaires pour mener à bien ce projet.
Pour l’instant, le « monde » des semi-conducteurs attend de voir si cet accord historique prendra forme, ou s’il rejoindra la liste des fusions avortées de l’industrie.