C’est un constat qui surprend, voire inquiète : selon le dernier rapport de la Médiatrice des télécoms, Free est l’opérateur qui accepte le moins les propositions de solutions émises pour résoudre les litiges de ses abonnés, et cette réticence progresse. Le document, couvrant l’année 2024, classe ainsi l’opérateur à la dernière place parmi 24 fournisseurs, loin derrière certains concurrents qui affichent des taux d’acceptation quasi exemplaires.
Comprendre le rôle de la médiation
La Médiatrice des télécoms, regroupée au sein de l’Association de la Médiation des Communications Électroniques (AMCE), joue un rôle d’arbitre dans les différends qui opposent clients et opérateurs. Lorsque la négociation directe n’aboutit pas, la médiatrice propose des pistes de résolution qui, dans la plupart des cas, sont volontiers acceptées par les opérateurs. C’est du moins la situation avec la majorité des fournisseurs du marché, comme Bouygues Télécom ou Orange, qui affichent des taux d’acceptation allant de 99 à 100 %. Côté Free, l’histoire est visiblement plus compliquée.
Des chiffres en baisse pour Free
Alors que Free avait longtemps entretenu une image d’opérateur « rebelle » proposant des offres compétitives, force est de constater que sur le plan de la médiation, la marque peine à convaincre. L’opérateur n’accepte que 83,87 % des solutions proposées par la médiatrice, un pourcentage bien en deçà de ses concurrents. Pire, ce score était en léger mieux depuis quelques années, mais accuse désormais une nette régression (il atteignait 91,23 % en 2023). En clair, quand la médiatrice propose une sortie amiable à un conflit, Free est la société la plus susceptible de dire non.
Bouygues, Orange et SFR : des approches plus conciliantes
En parallèle, Bouygues Telecom se détache clairement du lot avec une acceptation totale (100 %) des solutions préconisées, démontrant une volonté de tourner court aux différends de ses abonnés. Chez Orange, 99,29 % des propositions de la médiatrice sont validées. Le troisième grand acteur, SFR, affiche un taux de 95,51 %. Dans l’écosystème plus large, plusieurs petits opérateurs (Coriolis, Réglo Mobile, etc.) se montrent également exemplaires, avec aucun refus répertorié.
Quels enjeux pour Free ?
Pourquoi un opérateur choisirait-il de refuser les médiations, quitte à essuyer des critiques sur sa réputation ? Il existe plusieurs pistes d’explication, liées au modèle commercial et à la culture interne de l’entreprise. Free a bâti son succès sur un positionnement « bousculant les normes », avec une gestion de la relation client et du service après-vente souvent jugée minimaliste. Il est possible que Free estime que les compromis sollicités par la médiatrice soient trop contraignants financièrement, ou qu’ils ne correspondent pas à ses politiques internes.
Par ailleurs, ce choix peut refléter une stratégie délibérée pour limiter les indemnisations ou gestes commerciaux face aux plaintes des abonnés, même si cela se fait au détriment de l’image d’accessibilité et de proximité que l’opérateur souhaite parfois véhiculer.
Médiation : un outil essentiel dans un marché hyperconcurrentiel
Créée en 2003, l’AMCE offre pourtant un dispositif apprécié des consommateurs, qui y voient une façon de régler leurs conflits plus rapidement, sans passer par la case justice. En acceptant moins souvent les propositions de la médiatrice, Free prend ainsi le risque de frustrer des abonnés déjà en litige et d’écorner sa crédibilité au regard du public. Dans un marché des télécoms où la concurrence est acharnée et où la fidélité des clients ne tient parfois qu’à un fil, cette posture ne va pas sans conséquence.
Un avenir à clarifier pour l’opérateur
Au vu de ces données, la question reste posée : Free ajustera-t-il sa stratégie pour reconquérir un taux d’acceptation plus élevé, voire s’aligner sur les standards de ses concurrents ? Pour l’instant, aucun élément ne laisse entrevoir un changement de cap imminent. Pourtant, on pourrait s’attendre à ce qu’un opérateur se revendiquant comme précurseur sur les prix et l’innovation mise également sur la satisfaction de ses abonnés en cas de litige.
En attendant, ce rapport souligne une tendance qui ne devrait pas laisser indifférents les utilisateurs Free. Si la firme n’inverse pas la vapeur, le nombre de litiges non résolus de manière amiable risque de croître, entamant peu à peu le capital de confiance accordé par les consommateurs. Reste à voir comment l’opérateur réagira lors des prochains bilans de la médiation et, surtout, si les autres géants du secteur maintiendront leurs bonnes pratiques pour préserver une relation constructive avec la médiatrice comme avec leurs abonnés.