La Ligue de Football Professionnel (LFP) traverse une période d’incertitude et de turbulences autour des droits TV de la Ligue 1. Alors que Laurent Eichinger, directeur général de LFP Media, s’apprête à quitter son poste à la fin du mois, le fonds d’investissement CVC, qui détient une part dans la filiale commerciale de la LFP, pousserait pour nommer un nouveau dirigeant stratégique. Selon L’Équipe, un nom bien connu du monde des télécoms et des médias est avancé : Stéphane Richard, ancien PDG d’Orange. Une nomination qui pourrait avoir des répercussions majeures sur la gestion des droits télévisés et l’avenir du football français.
Un choix cornélien pour renouer avec CANAL+
La Ligue 1 fait face à une crise des droits TV, marquée par les échecs successifs des diffuseurs. Après le fiasco Mediapro, la LFP avait trouvé refuge chez Amazon Prime Video, qui diffuse actuellement 80 % des matchs de Ligue 1. Mais cette solution, temporaire et loin d’être pérenne, n’a pas permis de redorer le blason du championnat français sur la scène médiatique et financière.
Dans ce contexte, le choix de Stéphane Richard apparaît comme une tentative de rapprochement avec CANAL+, un acteur historique du football français. CANAL+, qui avait rompu avec la LFP suite à l’épisode Amazon, pourrait être une planche de salut si DAZN, l’actuel diffuseur minoritaire, venait à se retirer en fin de saison. L’ancien PDG d’Orange entretient en effet des relations de longue date avec Vincent Bolloré, propriétaire de CANAL+, ce qui pourrait faciliter d’éventuelles négociations.
Si cette politique fonctionne, la Ligue 1 pourrait retrouver une exposition médiatique plus forte, avec un diffuseur reconnu pour la qualité de son traitement du football. Cependant, reste à savoir dans quelles conditions financièresCANAL+ accepterait de revenir à la table des négociations. La chaîne cryptée a déjà manifesté son intérêt pour un modèle de co-diffusion, mais à un prix bien inférieur aux attentes de la LFP.
Une nomination sous le signe de l’expérience et des controverses
Si Stéphane Richard est aujourd’hui considéré comme un candidat sérieux, c’est avant tout pour son expérience dans les médias et les télécoms. À la tête d’Orange pendant plus d’une décennie, il a géré l’évolution des offres audiovisuelles, et connaît parfaitement les rouages du secteur. Il avait notamment dû gérer la fermeture d’Orange Sport, autrefois appelée Orange Foot, qui diffusait un match de Ligue 1 en exclusivité pour les abonnés de l’opérateur.
À l’époque, cette stratégie avait été critiquée par les clubs de Ligue 1, qui jugeaient que cette diffusion exclusive réduisait la visibilité du championnat. Aujourd’hui encore, la question de la visibilité et de l’accessibilité des matchs reste cruciale : faut-il privilégier un modèle premium sur CANAL+, au risque de limiter l’audience, ou rechercher une diffusion plus large, quitte à sacrifier les revenus immédiats ?
Par ailleurs, son passage à Orange a été entaché de polémiques, notamment dans l’affaire Tapie/Crédit Lyonnais, qui lui a valu une condamnation et son départ du groupe en 2022. Un retour à un poste aussi stratégique pourrait donc attiser certaines résistances au sein des instances du football français.
Quel avenir pour les droits TV de la Ligue 1 ?
L’arrivée potentielle de Stéphane Richard à la tête de LFP Media soulève des questions sur l’avenir des droits TV de la Ligue 1. À court terme, quelques scénarios pourraient bien se dessiner.
Parmi eux on en retient quelques uns qui sont plus évidents que d’autres.
Tout d’abord, si les discussions aboutissent, CANAL+ pourrait redevenir un acteur majeur, soit en récupérant un lot de matchs premium, soit en co-diffusant l’intégralité de la Ligue 1 avec un autre partenaire.
Cependant, CANAL+ reste méfiant après l’épisode Prime Video, et sera contraint d’imposer ses conditions financières à la baisse.
En marge de cela, Amazon n’a pas officiellement exprimé son désir de prolonger l’aventure après 2024, et son modèle de monétisation reste incertain.
DAZN, en grande difficulté financière, devra forcément se désengager, laissant un vide que la LFP devra rapidement combler.
Pour faire reste de raison, face à la difficulté de trouver un diffuseur prêt à investir des sommes conséquentes, la LFP devrait avoir la possibilité d’explorer de nouvelles solutions :
- Un modèle hybride avec des matchs en pay-per-view ?
- Un retour vers une plateforme OTT dédiée, comme la Liga TV en Espagne ?
Dans tous les cas, l’objectif reste de maximiser les revenus tout en redonnant de l’attractivité à la Ligue 1, un défi crucial à l’heure où le football français peine à rivaliser avec ses voisins européens.
Un tournant décisif pour la LFP et le football français
La nomination de Stéphane Richard, si elle se confirme, marquera un tournant majeur dans la gestion des droits TV du football français. En pleine période d’incertitude économique et stratégique, ce choix pourrait permettre de reconnecter la Ligue 1 avec des diffuseurs historiques, mais aussi d’apporter une vision plus structurée à long terme.
Cependant, son éventuelle prise de fonction ne garantira pas un retour automatique de CANAL+, ni une résolution immédiate de la crise des droits TV. La LFP devra négocier intelligemment pour ne pas reproduire les erreurs du passé et trouver une solution qui profite aux clubs, aux diffuseurs et surtout aux supporters.