Le feuilleton des droits TV de la Ligue 1 continue, et il pourrait bien virer au drame pour la Ligue de Football Professionnel (LFP). Alors que DAZN peine à attirer suffisamment d’abonnés et laisse planer une incertitude sur son engagement à long terme, certains espéraient un retour de Canal+. Mais Maxime Saada, président du directoire de la chaîne cryptée, a été catégorique : Canal+ ne reviendra pas.
Un positionnement qui met en lumière les errements stratégiques de la LFP, qui, par une succession de choix motivés avant tout par l’argent à court terme, a fini par se priver d’un partenaire fiable et compromettre l’avenir médiatique de son championnat.
L’héritage empoisonné de Mediapro
La brouille entre la LFP et Canal+ ne date pas d’hier. Elle trouve son origine dans la catastrophe Mediapro en 2020, lorsque la Ligue a choisi de confier les droits majeurs de la Ligue 1 au groupe sino-espagnol pour un montant record de 814 millions d’euros par an, au détriment de Canal+, pourtant diffuseur historique du championnat.
Résultat ? Un fiasco retentissant : incapable de payer, Mediapro a mis la clé sous la porte en quelques mois, laissant la Ligue dans une impasse financière et forçant une liquidation express des droits.
C’est alors qu’est intervenue Amazon Prime Video, qui a récupéré l’essentiel du package pour seulement 250 millions d’euros par an. Une décision vécue comme une trahison par Canal+, qui se retrouvait toujours lié à un contrat plus coûteux pour des lots secondaires. Un coup de grâce pour la relation entre la chaîne cryptée et la LFP, qui depuis n’a cessé de se détériorer.
DAZN : un choix risqué qui pourrait coûter cher à la Ligue
Après la sortie d’Amazon fin 2023, la LFP s’est tournée vers DAZN, plateforme britannique de streaming sportif, qui a obtenu les droits de la Ligue 1 pour un montant évalué à environ 450 millions d’euros par an. Mais depuis le début de la saison, DAZN n’a convaincu que 500 000 abonnés, un chiffre bien en dessous des attentes.
Face à ces résultats décevants, une crainte grandit : celle que DAZN ne se retire prématurément grâce à une clause de sortie en fin d’année. Si la plateforme a tenté de rassurer en affirmant qu’elle ne l’activerait pas, l’inquiétude persisteparmi les acteurs du football français.
Or, qui pourrait prendre le relais ?
Les regards se sont naturellement tournés vers Canal+, diffuseur historique et seul acteur audiovisuel français disposant des moyens financiers et technologiques pour garantir une exposition de qualité au championnat.
Canal+ : un retour impossible aux conditions actuelles
Dans une interview au Figaro, Maxime Saada a été clair : « Les conditions ne sont absolument pas réunies pour un retour de Canal+ dans ce dossier. »
Même si le dirigeant n’a pas précisé ce qu’il entendait par « conditions », les raisons de cette fin de non-recevoir sont évidentes : non seulement Canal+ n’a toujours pas digéré le choix d’Amazon après l’échec de Mediapro et la manière dont la Ligue a privilégié un nouvel entrant au détriment du diffuseur historique, mais de surcroît, le football ne représente plus l’élément central de la stratégie de Canal+, qui mise aujourd’hui sur le cinéma, les séries et d’autres disciplines sportives (notamment la Formule 1 et le rugby, qui lui offrent un excellent retour sur investissement).
Par ailleurs, un accès est toujours possible via beIN Sports et DAZN. Canal+ diffuse encore indirectement la Ligue 1 via ses options, permettant à ses abonnés d’accéder à la compétition sans avoir besoin de racheter des droits en direct.
Pour finir, le prix est un levier incontournable et Canal+ pourrait éventuellement revenir si la Ligue cassait les prix, comme elle l’a fait pour Amazon en 2021. Mais cela reviendrait à dégrader encore davantage la valeur des droits TV de la Ligue 1, mettant à mal son attractivité future.
Une Ligue 1 fragilisée par ses propres décisions
La LFP se retrouve aujourd’hui dans une situation délicate, victime de ses propres erreurs stratégiques. À trop vouloir maximiser ses revenus à court terme, elle a perdu en crédibilité auprès des diffuseurs historiques et affaibli la valeur marchande de son championnat.
Les conséquences sont préoccupantes, car non seulement si DAZN venait à se retirer, il serait extrêmement difficile de trouver un repreneur prêt à investir un montant équivalent, mais de plus la Ligue 1, qui souffre déjà d’un déficit de visibilité par rapport aux autres championnats européens, risquerait d’en perdre encore plus. Un nouvel échec des droits TV ferait tout simplement chuter encore son attractivité, auprès des sponsors comme des investisseurs.
Dernier dommage et celui là est collatéral, l’impact direct sur les clubs. Les droits TV représentent une part essentielle des revenus des clubs de Ligue 1. Une nouvelle crise aura sûrement pour conséquence, de pousser certains à la faillite ou les contraindre à vendre leurs meilleurs joueurs à bas prix.