En toute discrétion, l’enseigne de distribution allemande Lidl, sous l’égide du Schwarz Group, s’est imposée comme un acteur majeur du cloud en Europe. Créée en 2021, l’entité IT et cloud, désormais indépendante sous le nom de Schwarz Digits, a rapidement atteint un chiffre d’affaires annuel de 1,9 milliard d’euros, rivalisant avec les grands noms du secteur. Cette initiative place Schwarz Digits parmi les principaux fournisseurs de cloud en Europe, surpassant des entreprises établies comme le Français OVH, qui n’a pas encore franchi le cap des 900 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 2023.
La trajectoire de Schwarz Digits rappelle celle d’Amazon, qui a débuté son aventure cloud pour répondre à ses propres besoins avant de devenir un géant de l’industrie avec Amazon Web Services (AWS). L’intention initiale n’était a priori pas commerciale, mais plutôt de combler les besoins internes du groupe. Aujourd’hui, l’entité affiche une croissance rapide, attirant des clients prestigieux tels que SAP, le Bayern Munich, et le port de Hambourg.
Lorsque le Schwarz Group a envisagé le cloud, il a cherché des solutions en Europe pour éviter de confier ses données à des juridictions étrangères. Ne trouvant aucun fournisseur capable de répondre à ses exigences, le groupe a décidé de créer sa propre infrastructure en 2021. Très vite, d’autres entreprises allemandes, préoccupées par les mêmes enjeux de souveraineté des données et de modernisation IT, se sont tournées vers Schwarz Digits pour échapper à la dépendance des géants américains et chinois du cloud.
Des investissements dans l’IA et la sécurité
Schwarz Digits ne se contente pas du cloud : l’entreprise investit également dans la cybersécurité et l’intelligence artificielle (IA). En 2021, le groupe a acquis la société israélienne XM Cyber pour 700 millions de dollars, renforçant ainsi ses capacités en matière de cybersécurité. En parallèle, Schwarz Digits a investi dans l’IA, en nouant un partenariat stratégique avec la start-up allemande Aleph Alpha, spécialisée dans l’intelligence artificielle, et en participant à une levée de fonds de la société.
Avec environ 7 500 employés, Schwarz Digits englobe plusieurs divisions, y compris Schwarz IT pour l’infogérance, Schwarz Digital pour le développement, StackIT pour le cloud, XM Cyber, ainsi que des branches e-commerce pour les enseignes Kaufland et Lidl. Récemment, le cloud maison StackIT a obtenu la certification de cybersécurité C5 (Cloud Computing Compliance Criteria Catalogue) de l’office fédéral allemand de sécurité de l’information (BSI), attestant de sa conformité avec des normes de sécurité rigoureuses.
Un cloud low-cost peut-il offrir des garanties suffisantes ?
L’ascension rapide de Schwarz Digits sur le marché du cloud soulève toutefois une question importante : un cloud low-cost peut-il garantir la même sécurité qu’un prestataire plus prestigieux ? Bien que le modèle de Schwarz Digits soit basé sur une offre compétitive en termes de coût, la certification C5 obtenue récemment est un gage de conformité avec les standards élevés de sécurité. De plus, l’acquisition d’XM Cyber et les investissements dans des technologies de pointe montrent une volonté de sécuriser ses services.
Cependant, la sécurité dans le cloud ne se limite pas à des certifications et des investissements. Elle repose sur une surveillance continue, une gestion des risques en amont et une capacité à répondre aux menaces émergentes. Les grandes entreprises avec des infrastructures de cloud complexes, comme Amazon ou Microsoft, ont l’avantage de décennies d’expérience et de ressources consacrées à la sécurité. Schwarz Digits, en tant qu’acteur plus récent, doit prouver que son offre peut rivaliser en termes de sécurité et de fiabilité.
En définitive, cette extension stratégique pourrait transformer le groupe en un leader technologique, tout en garantissant l’indépendance numérique de ses clients européens certes mais on ne peut évacuer d’un revers de la main, la question relative à la sécurité du produit.
Au regard du succès surprenant mais avéré du concept proposé par Lidl, si ce point est véritablement surmonté, la marque pourrait non seulement redéfinir son image, mais aussi redéfinir le paysage du cloud en Europe.
Mais il y a fort à parier que pour obtenir une confiance généralisée, il va falloir que la marque travaille d’arrache pied encore un peu.