Les nouvelles technologies apportent souvent leur lot de défis, et l’intelligence artificielle ne fait pas exception. Pour les détenteurs de droits musicaux, l’IA représente en effet un véritable casse-tête, créant de nouvelles problématiques en matière de droits d’auteur. Les récentes poursuites judiciaires intentées par les grandes maisons de disques contre des entreprises de musique générative en IA en sont une preuve manifeste.
Le succès de Tift Merritt, artiste de country, avec sa chanson « Traveling Alone » sur Spotify est bien connu. Cependant, une chanson générée par le site de musique d’IA Udio, intitulée « Holy Grounds », ressemble étrangement à l’œuvre de Merritt. Cette situation soulève pourtant quelques questions sur les droits d’auteur et la créativité.
En effet, Tift Merritt, une artiste nominée aux Grammy Awards, critique sévèrement cette imitation, la qualifiant de « vol ». Et elle n’est pas la seule artiste inquiète : Billie Eilish, Nicki Minaj, Stevie Wonder, comme de nombreux autres musiciens ont exprimé leurs craintes concernant l’impact de la musique générée par l’IA sur leur travail et leur créativité.
Les grandes maisons de disques en guerre
Les géants de la musique comme Sony Music, Universal Music Group et Warner Music ont pris des mesures légales contre Udio et une autre entreprise d’IA musicale, Suno. Ils accusent ces sociétés d’utiliser illégalement des enregistrements protégés par des droits d’auteur pour entraîner leurs systèmes d’IA, créant ainsi des imitations non autorisées des œuvres d’artistes célèbres.
Mitch Glazier, PDG de la Recording Industry Association of America (RIAA), affirme que ces pratiques ont pour but d’inonder le marché de copies bon marché, privant ainsi les véritables artistes de leurs revenus et de leur reconnaissance.
Un enjeu complexe pour les tribunaux
Les entreprises Suno et Udio se défendent en affirmant que leurs technologies n’enfreignent pas les droits d’auteur et qu’elles offrent une utilisation équitable des œuvres existantes. Elles comparent les critiques actuelles à celles qui ont accueilli les synthétiseurs et autres innovations technologiques dans le passé.
Cependant, la musique présente des défis uniques en matière de droit d’auteur. Brian McBrearty, musicologue spécialisé dans l’analyse du droit d’auteur, souligne que la complexité des éléments musicaux rend difficile la détermination des violations de droits d’auteur par rapport à des œuvres textuelles.
L’issue des procédures pourrait dépendre de la défense d’utilisation équitable, un principe qui permet l’utilisation non autorisée d’œuvres protégées dans certaines circonstances. Les entreprises d’IA fondent leur argumentation sur le fait que leur usage des enregistrements permettant de créer de nouvelles œuvres est transformateur et donc justifié.
Néanmoins, la rapidité d’évolution de la technologie de l’IA ajoute une couche d’incertitude à ces affaires. Julie Albert, avocate bien connue en propriété intellectuelle, note que prouver l’utilisation équitable pourrait être plus difficile pour les générateurs de musique que pour les fabricants de chatbots, en raison des différences dans les buts et les contextes d’utilisation.
Un avenir incertain pour les droits musicaux
La récente décision de la Cour suprême sur l’utilisation équitable, qui se concentrait sur les objectifs commerciaux des œuvres, pourrait avoir une influence significative sur ces affaires. Les labels de musique argumentent que l’IA musicale utilise leurs enregistrements pour détourner les auditeurs et les revenus des artistes originaux.
Tift Merritt et d’autres artistes craignent que l’IA ne finisse par remplacer les créateurs humains, en exploitant gratuitement leurs œuvres pour générer des contenus similaires. Les implications économiques sont claires : les robots et l’IA ne perçoivent pas de redevances, mettant en péril les moyens de subsistance des artistes.