Le retrait annoncé des chaînes payantes de Canal+ de la TNT, en réaction à la décision de l’ARCOM concernant C8, soulève une question essentielle : la Télévision Numérique Terrestre (TNT) est-elle en train de devenir obsolète ? Alors que les modes de consommation évoluent rapidement avec la montée en puissance des plateformes numériques et des offres OTT (Over-The-Top), la TNT, autrefois symbole de modernité, peine à rester compétitive.
Une technologie autrefois révolutionnaire
Lancée en 2005, la TNT avait pour ambition de démocratiser l’accès à des chaînes gratuites en qualité numérique, tout en élargissant l’offre télévisuelle. Avec la promesse de remplacer la télévision analogique, elle a marqué un tournant majeur pour des millions de foyers. Cependant, près de deux décennies plus tard, les usages ont radicalement changé.
Selon une étude récente, moins de 20 % des foyers français utilisent encore exclusivement la TNT pour accéder à leurs programmes télévisés. La couverture par satellite, ADSL, fibre ou via des services en ligne a considérablement réduit son audience.
Les difficultés de la TNT face à l’ultra connexion
Une concurrence accrue des plateformes de streaming
Avec l’émergence de services comme Netflix, Disney+, Amazon Prime Video et myCanal, les consommateurs privilégient des offres à la demande, plus flexibles et accessibles sur plusieurs écrans. Ces plateformes proposent une qualité supérieure (4K, HDR) et une personnalisation accrue, des aspects que la TNT ne peut pas rivaliser.
Une technologie limitée
La TNT, basée sur des fréquences radio, reste dépendante d’un équipement spécifique (antenne, décodeur) et ne permet pas une interactivité comparable à celle des services connectés. De plus, les chaînes diffusées sur la TNT doivent partager une bande passante limitée, ce qui contraint souvent la qualité de l’image, en particulier face à la popularité croissante de l’Ultra HD.
Un modèle économique fragilisé
L’attribution des fréquences TNT repose sur des appels à candidatures complexes et des contraintes réglementaires strictes. Les chaînes doivent financer leur diffusion sur ces fréquences, un investissement parfois jugé peu rentable, notamment pour les chaînes payantes comme celles de Canal+. À cela s’ajoutent des taxes croissantes, notamment celles imposées par le CNC, rendant ce modèle de diffusion de plus en plus onéreux.
Vers une réallocation des fréquences ?
Le désintérêt progressif des acteurs majeurs pour la TNT ouvre la voie à une réattribution des fréquences. Déjà, des secteurs comme les télécommunications lorgnent sur ces ressources précieuses pour améliorer la couverture 5G. À terme, la TNT pourrait perdre une partie de son spectre au profit des technologies mobiles, accélérant sa disparition.
Les solutions pour une transition en douceur
Investir dans l’hybridation des modèles
Plutôt que de disparaître, la TNT pourrait évoluer en combinant diffusion hertzienne et connectée, via des technologies hybrides comme le HbbTV (Hybrid Broadcast Broadband TV). Cela permettrait d’offrir des services interactifs et des contenus enrichis, tout en maintenant une couverture nationale.
Encourager une migration accompagnée
Pour les foyers encore dépendants de la TNT, une transition vers des modes de diffusion alternatifs (satellite, fibre, OTT) nécessiterait un accompagnement, notamment financier, pour éviter une fracture numérique. Les initiatives visant à équiper ces ménages d’appareils connectés ou à développer la fibre dans les zones rurales seraient essentielles.
La TNT : un modèle en fin de cycle ?
L’affaire Canal+ et le retrait de ses chaînes payantes sont un révélateur des faiblesses structurelles de la TNT. Si elle reste un moyen fiable et universel de diffusion, sa rigidité et son incapacité à répondre aux attentes modernes des téléspectateurs la placent sur une pente descendante.
À l’heure où les écrans connectés et les solutions en streaming dominent les usages, la TNT semble de plus en plus reléguée à un rôle secondaire. Sa pérennité repose désormais sur une profonde transformation, ou sur une réallocation de ses ressources à des technologies plus adaptées aux besoins du XXIᵉ siècle.