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La dépendance des centres de données aux combustibles fossiles : un frein à la transition énergétique

La croissance fulgurante des centres de données dans le monde, alimentée par l’essor de l’intelligence artificielle et du cloud computing, soulève des inquiétudes pour la transition énergétique mondiale. Alors que la demande en électricité explose, de nombreux acteurs du secteur continuent de s’appuyer sur des sources d’énergie fossiles telles que le gaz naturel et, dans certains cas, le charbon, mettant ainsi en péril les objectifs climatiques globaux.

Une pression accrue sur les réseaux électriques

Aux États-Unis, où se trouve un tiers des centres de données mondiaux, les services publics peinent à suivre le rythme imposé par la demande énergétique. Des centrales à gaz naturel sont en construction, comme celle de 1 000 mégawatts dans le comté de Chesterfield, Virginie. Dominion Energy, le fournisseur local, a récemment abaissé son objectif de part des énergies renouvelables dans son mix énergétique de 95 % à 80 %.

D’autres services publics, tels qu’Entergy dans le Mississippi, investissent également massivement dans des infrastructures gazières pour alimenter de nouveaux complexes de centres de données, dont certains appartiennent à Amazon. Près de la moitié du nouveau plan de dépenses de NiSource, un acteur majeur de l’énergie couvrant des zones comme l’Indiana et l’Ohio, sera dédié à l’amélioration des systèmes de gaz naturel.

Selon Rob Thummel, de Tortoise Capital, « le gaz naturel reste la solution la plus fiable et la moins coûteuse pour répondre à cette demande croissante, même si elle n’est pas parfaite ». Cependant, cet appui massif sur le gaz pourrait compromettre les efforts de décarbonisation des États-Unis pour les décennies à venir.

L’Europe confrontée à ses propres défis

En Europe, les centres de données doivent également composer avec des mix énergétiques encore largement dominés par les fossiles dans certaines régions. En Pologne, où le charbon représentait encore plus de 60 % de l’énergie consommée en 2023, les nouveaux projets de centres de données continueront de s’appuyer sur cette source énergétique polluante faute de capacités renouvelables suffisantes. En Allemagne, Microsoft prévoit une expansion près de la mine de charbon de Hambach, sans préciser si le charbon alimentera ce projet.

L’Irlande, où les centres de données consomment désormais plus de 20 % de l’électricité, prévoit de prolonger la durée de vie de certaines centrales à gaz et d’utiliser des générateurs temporaires pour faire face à la demande. Même la seule centrale au charbon du pays, située à Moneypoint, prolonge son activité jusqu’en 2029, bien qu’elle envisage de passer au mazout, une alternative qui reste polluante.

Des promesses vertes sous pression

Des entreprises technologiques telles que Meta, Amazon et Microsoft promettent des stratégies ambitieuses de neutralité carbone. Cependant, ces engagements reposent souvent sur des achats d’énergies renouvelables via des crédits ou des accords d’approvisionnement, plutôt que sur des investissements dans de nouvelles infrastructures vertes. Cela signifie que l’énergie propre qu’elles utilisent est souvent détournée d’autres usages.

Des solutions prometteuses, comme l’alimentation des centres de données par des réacteurs nucléaires avancés, sont encore en phase de développement ou demeurent incertaines. En attendant, l’empreinte carbone de cette industrie pourrait atteindre 2,5 milliards de tonnes d’équivalent CO₂ d’ici 2030, soit autant que les émissions annuelles de la Russie, selon une analyse de Morgan Stanley.

Un dilemme pour la transition énergétique

Cette dépendance persistante aux combustibles fossiles illustre un dilemme majeur : comment répondre à la croissance exponentielle de la demande d’électricité tout en respectant les objectifs climatiques ? Selon Jon Creyts, PDG de RMI, « si notre réponse immédiate est de construire des centrales à gaz ou nucléaires, nous risquons de nous enfermer dans un système énergétique insoutenable ».

Alors que la COP29 se tient à Bakou, l’Azerbaïdjan a mis en avant une « Journée de la numérisation » pour sensibiliser aux impacts environnementaux du numérique. Une déclaration signée par 68 pays, dont la Chine et la Corée, appelle à limiter cet impact. Cependant, face aux besoins croissants d’énergie des centres de données, les efforts internationaux risquent de ne pas suffire.

Vers une transformation nécessaire

Si les centres de données sont essentiels à l’économie numérique, leur empreinte carbone massive pose un défi crucial. Accélérer le développement des énergies renouvelables et investir dans des solutions de stockage et de gestion intelligente de l’énergie est indispensable. Les gouvernements, les entreprises technologiques et les régulateurs devront collaborer étroitement pour éviter que cette croissance ne freine les progrès en matière de décarbonisation.

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