L’intelligence artificielle générative s’impose comme un levier technologique majeur, mais son expansion rapide soulève de nombreuses questions éthiques et réglementaires. La Corée du Sud, pays à la pointe du numérique, vient de prendre une mesure forte en suspendant les nouveaux téléchargements de l’application d’IA chinoise DeepSeek, invoquant un non-respect des règles de protection des données personnelles.
Cette décision a été prise dans une tendance globale où les États tentent de réguler l’IA pour garantir la souveraineté numérique et la confidentialité des utilisateurs. Après l’Italie, qui avait déjà contraint DeepSeek à cesser son activité sur son territoire, la Corée du Sud devient ainsi un nouvel acteur majeur du contrôle des intelligences artificielles génératives.
DeepSeek face aux régulateurs sud-coréens : un premier avertissement ?
La Commission de protection des informations personnelles (PIPC) de Corée du Sud a annoncé que les nouveaux téléchargements de DeepSeek seraient suspendus tant que la startup chinoise ne se conformerait pas aux règles locales en matière de confidentialité des données.
L’application reste accessible via son site Web, mais ne peut plus être téléchargée sur les app stores nationaux, ce qui limite considérablement son expansion auprès des utilisateurs sud-coréens. Selon la PIPC, DeepSeek n’avait pas suffisamment pris en compte les lois locales sur la protection des données, bien que la startup ait nommé des représentants juridiques en Corée du Sud pour tenter de régulariser la situation.
Cette suspension fait écho à une décision similaire prise par l’Italie en janvier 2025, où l’autorité italienne de protection des données (Garante) avait ordonné le blocage du chatbot de DeepSeek, citant un manque de clarté dans sa politique de confidentialité.
Une régulation stricte de l’IA en Corée du Sud
La Corée du Sud a une tradition réglementaire stricte en matière de protection des données, avec des lois comparables au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) européen. Ces dernières années, le pays a renforcé ses mécanismes de surveillance des plateformes numériques, notamment en ce qui concerne :
- La collecte et le traitement des données personnelles
- Les flux transfrontaliers de données
- L’impact des IA génératives sur la vie privée et la désinformation
Le cas DeepSeek illustre donc la volonté de Séoul d’établir un cadre clair pour les intelligences artificielles étrangères opérant sur son sol. Ce positionnement rappelle les actions prises en Europe vis-à-vis de ChatGPT, qui avait été temporairement interdit en Italie en 2023 avant d’être autorisé sous certaines conditions.
La Corée du Sud semble adopter une approche coercitive : en effet, en restreignant l’accès à une IA avant qu’elle ne gagne trop d’utilisateurs, elle évite de se retrouver face à des violations massives de la vie privée qui pourraient être plus difficiles à contrôler une fois l’application largement déployée.
La question de la souveraineté numérique : une méfiance envers les acteurs chinois
Ce blocage de DeepSeek est également intéressant si on le situe dans un contexte géopolitique et technologique plus large. Les tensions entre la Chine et plusieurs pays occidentaux concernant la gestion des données et la cybersécurité influencent directement les décisions réglementaires prises à l’égard des applications chinoises.
Or, les préoccupations autour des applications chinoises ne sont pas nouvelles. TikTok, propriété de ByteDance, a déjà été sous le feu des projecteurs, notamment aux États-Unis et en Europe, où des gouvernements ont exprimé des inquiétudes sur la manière dont les données des utilisateurs étaient collectées et stockées.
Lors d’un point presse en Chine, le ministère chinois des Affaires étrangères a réagi aux restrictions imposées à DeepSeek en affirmant que Pékin attachait une grande importance à la protection des données et ne demanderait jamais à une entreprise ou un individu de collecter ou stocker des données en violation des lois.
Malgré ces déclarations, la méfiance persiste envers les entreprises chinoises, notamment en raison des liens potentiels qu’elles peuvent entretenir avec le gouvernement et des lois chinoises qui permettent aux autorités d’exiger un accès aux données des entreprises technologiques.
Un encadrement plus strict des IA en 2025 ?
Le cas DeepSeek pointe clairement du doigt l’évolution rapide des cadres réglementaires autour de l’IA.
Plusieurs tendances se dégagent :
Tout d’abord, un renforcement des régulations nationales puisqu des pays comme la Corée du Sud et l’Italie prennent des mesures ciblées contre certaines IA, imposant des exigences strictes en matière de transparence et de respect des lois locales.
Une influence croissante des législations européennes et américaines est aussi notable, alors que l’UE finalise l’AI Act, qui vise à encadrer les IA génératives et leurs usages, d’autres régions adoptent des mesures similaires, suivant le modèle du RGPD.
Une bataille entre États et entreprises privées n’est pas négligeable, puisque les gouvernements souhaitant garder un contrôle accru sur les infrastructures numériques et ne pas laisser les géants de l’IA (américains ou chinois) imposer leurs propres règles c’est une véritable bataille entre Etats et entreprises privées qui s’amorce.
Au regard de tous ces éléments, DeepSeek pourrait bien être un des premiers d’une longue liste d’outils IA à faire face à des restrictions sévères dans plusieurs régions du monde.
En d’autres termes, l’IA est sous haute surveillance… y compris en Asie
La suspension des nouveaux téléchargements de DeepSeek en Corée du Sud est particulièrement révélatrice de la montée en puissance des régulations sur l’IA, notamment en matière de protection des données. Ce cas révèle également un durcissement des contrôles envers les technologies chinoises, perçues comme un risque potentiel pour la souveraineté numérique.
Alors que l’intelligence artificielle devient un enjeu global, les États imposent progressivement des garde-fous pour éviter les abus et garantir une utilisation plus encadrée de ces technologies. Cette régulation croissante marque une nouvelle ère pour l’IA, où les entreprises devront s’adapter à des cadres juridiques de plus en plus strictspour opérer sur le marché international.
Dès lors, la question reste ouverte : ces régulations freineront-elles l’innovation ou permettront-elles au contraire un développement plus équilibré et sécurisé de l’IA ?