L’utilisation de l’intelligence artificielle dans le domaine juridique est en pleine expansion, offrant des gains de productivité, mais également de nouveaux risques. Aux États-Unis, plusieurs affaires récentes ont clairement soulevé un phénomène troublant : l’IA peut « halluciner » des jurisprudences, créant de fausses citations juridiques qui se retrouvent dans des dépôts judiciaires. Cette situation pose des questions majeures quant à l’utilisation de ces outils en France et aux implications éthiques et légales qui en découlent.
Un risque juridique majeur pour les avocats
Le cas du cabinet américain Morgan & Morgan, où des avocats ont cité des affaires fictives générées par l’IA, est symptomatique d’une dépendance aveugle à ces technologies. Les conséquences peuvent pourtant être sévères : sanctions disciplinaires, amendes et atteinte à la crédibilité des avocats concernés. Les tribunaux commencent à réagir fermement, comme l’a montré l’affaire d’un juge de Manhattan infligeant une amende de 5 000 dollars à deux avocats pour usage de citations inventées par l’IA.
Cette situation souligne très clairement un manque criant de littératie en IA dans la profession juridique. Si les avocats sont formés à l’analyse critique des sources, peu sont à l’aise avec les limites des technologies d’IA générative.
Le recours à ces outils sans vérification minutieuse expose les plaideurs à des erreurs potentiellement catastrophiques.
Un risque réel en France ?
La France, comme d’autres pays européens, mise sur la justice prédictive, c’est-à-dire l’utilisation de l’IA pour analyser les décisions judiciaires et identifier des tendances. Toutefois, la prudence est de mise : la jurisprudence française repose sur des bases juridiques solides et la loi interdit d’ailleurs l’analyse automatisée des décisions pour évaluer les magistrats (article 33 de la loi de programmation de la justice de 2019).
Cela signifie que si des avocats français utilisent des outils d’IA générative, ils doivent s’assurer que les citations produites sont exactes et conformes aux références juridiques réelles. La responsabilité pénalement et déontologiquement incombe aux avocats, qui peuvent faire face à des sanctions du Conseil de l’Ordre en cas de manquements.
Comment encadrer l’usage de l’IA dans la justice ?
Pour limiter les risques liés aux « hallucinations » de l’IA, plusieurs mesures peuvent être mises en place :
Tout d’abord, la formation des avocats à l’IA devrait être obligatoire pour sensibiliser les professionnels du droit aux limites et aux erreurs potentielles des outils d’IA générative.
Ensuite il y véritablement lieu de privilégier des solutions d’IA connectées à des bases officielles pour garantir l’exactitude des citations.
Enfin, l’encadrement éthique et déontologique est indispensable. Il y a lieu d’imposer une validation humaine systématique des documents rédigés avec l’aide d’une IA.
La justice prédictive en France repose sur une régulation stricte et des garanties éthiques visant à éviter les dérives. Cependant, avec l’émergence rapide des IA génératives, il devient urgent de renforcer les règles d’usage et de sensibiliser les professionnels du droit aux enjeux liés à ces technologies.
IA et droit, un mariage sous surveillance
L’usage de l’IA dans le domaine juridique offre un potentiel immense en termes de gain de temps et d’efficacité. Toutefois, les récents cas américains montrent que son emploi sans contrôle rigoureux peut entraîner des erreurs graves aux conséquences lourdes. En France, la réglementation limite déjà certains usages de la justice prédictive, mais les avocats doivent impérativement se former aux outils d’IA et adopter une approche critique pour éviter les dérives.
Le futur de l’IA dans la justice repose sur un équilibre entre innovation et vigilance. Sans une maîtrise fine de ces technologies, leur intégration pourrait fragiliser la crédibilité du système judiciaire plutôt que le renforcer.