Alors que la plupart des géants de l’intelligence artificielle, qu’ils soient chinois ou américains, misent sur des modèles propriétaires et fermés, DeepSeek prend le contre-pied et double son engagement en faveur de l’open source. La start-up chinoise a annoncé qu’elle partagera prochainement le code de plusieurs de ses modèles IA, poursuivant ainsi une politique qui lui permet de se démarquer sur un marché ultra-concurrentiel.
Un engagement radical en faveur de l’open source
Dans un message publié sur la plateforme X (ex-Twitter), DeepSeek a confirmé qu’elle rendra accessibles les dépôts de code source de cinq modèles supplémentaires dès la semaine prochaine. L’entreprise qualifie cette initiative de « progrès petit mais sincère », affirmant vouloir opérer en toute transparence.
Ce n’est pas un simple effet d’annonce. DeepSeek a déjà bouleversé le secteur en janvier en publiant son modèle de raisonnement R1 en open source, prouvant qu’une IA chinoise pouvait rivaliser avec les meilleurs systèmes occidentaux tout en étant développée avec des coûts bien moindres.
Contrairement à la plupart des entreprises chinoises d’IA qui suivent le modèle économique des géants américains, misant sur la fermeture des modèles et la monétisation des services cloud, DeepSeek privilégie une approche plus ouverte et communautaire. Son fondateur, Liang Wenfeng, considère que la reconnaissance par ses pairs et la capacité à influencer l’évolution technologique mondiale sont des leviers aussi importants que la rentabilité immédiate.
« En réalité, l’open source est avant tout un comportement culturel et non une approche purement commerciale », déclarait Liang dans une rare interview en juillet dernier.
Un impact majeur sur l’industrie de l’IA
L’annonce de DeepSeek intervient alors que des tensions croissantes entre IA fermée et open source sont de plus en plus prégnantes. Depuis plusieurs mois, les régulateurs et les gouvernements s’interrogent sur la pertinence des modèles entièrement privatisés, notamment pour des raisons de transparence et d’innovation collective.
Le choix de rendre public son code source confère à DeepSeek une puissance d’influence unique, notamment en Chine où la culture open source est encore minoritaire. L’entreprise permet ainsi aux chercheurs, aux développeurs et aux start-ups d’expérimenter librement avec ses modèles, en réduisant leur dépendance aux solutions propriétaires d’acteurs comme Baidu, Tencent ou OpenAI.
De plus, cette décision intervient à un moment clé, après la récente introduction de Native Sparse Attention (NSA), un algorithme optimisant le traitement de longues séquences de données et améliorant l’efficacité des modèles IA. Un atout majeur dans un secteur où la consommation énergétique et les coûts de calcul restent encore des difficultés à surmonter et pas des moindres.
DeepSeek en chiffres : une montée en puissance express
La stratégie open source de DeepSeek porte déjà ses fruits. En quelques semaines seulement, son chatbot est devenu le plus utilisé en Chine, atteignant 22,2 millions d’utilisateurs actifs quotidiens au 11 janvier. Un chiffre qui dépasse largement celui de Douban (16,95 millions d’utilisateurs), une référence dans l’écosystème numérique chinois.
Cette ascension fulgurante montre que l’open source n’est pas un frein à l’adoption massive, mais peut au contraire servir d’accélérateur d’innovation et de popularité. Alors que les acteurs dominants comme OpenAI et Google se livrent une bataille féroce pour capter des parts de marché, DeepSeek propose une alternative capable de fédérer un écosystème plus large.
Un nouveau challenge pour OpenAI et les autres acteurs de l’IA
L’initiative de DeepSeek risque de changer la donne pour les leaders du marché IA, notamment OpenAI, Anthropic et Mistral. Si l’open source devient une norme incontournable, ces entreprises pourraient devoir reconsidérer leurs stratégies commerciales, jusqu’ici axées sur des modèles fermés à forte monétisation.
La publication du code source par DeepSeek pose également la question de la souveraineté technologique et de la régulation des IA open source. Certains gouvernements, notamment en Europe et aux États-Unis, redoutent que des modèles libres facilitent la prolifération d’outils d’IA incontrôlables.
Toutefois, pour les défenseurs d’une intelligence artificielle accessible et démocratique, cette initiative constitue une avancée majeure. Elle rappelle notamment les débuts du mouvement open source dans les années 90, où Linux et d’autres projets communautaires ont permis de révolutionner l’industrie du logiciel.
Avec cette nouvelle annonce, DeepSeek ne se contente pas de rivaliser avec les géants de l’IA : elle redéfinit les règles du jeu et impose un modèle où la collaboration et la transparence deviennent des arguments concurrentiels de premier ordre.